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"Mes provinciales", un roman d'apprentissage version cinéma

Etienne, jeune provincial établi à Paris pour étudier le cinéma et héros du nouveau film de Jean-Paul Civeyrac, pourrait bien passer pour Lucien de Rubempré dans les "Illusions perdues", le roman d'apprentissage de Balzac.

Dans "Mes provinciales", en salles mercredi, le réalisateur de "Des filles en noir" (2010) et "Mon amie Victoria" (2014) a choisi de tourner en noir et blanc, clin d'oeil à la Nouvelle vague qui donne au film un caractère intemporel et poétique.

Dans le roman de Balzac, le héros monte à Paris pour devenir écrivain mais se lance dans le journalisme face aux difficultés.

Dans le film de Jean-Paul Civeyrac, Etienne (Andranic Manet), Etienne quitte Lyon, ses parents et sa petite amie pour se lancer dans le 7e Art dans la capitale. Mais n'échappera pas aux désillusions juvéniles.

"La première phrase qu'Etienne dit en arrivant, c'est +ce ne sont pas les images qui m'intéressent, c'est le cinéma+. Mais il finit par travailler pour une boîte de télévision", explique à l'AFP Andranic Manet, 21 ans, encore inconnu du grand public, dont il s'agit du troisième film.

"Il y a ce qu'on projette quand on est en province ou en banlieue, et puis il y a la confrontation réelle avec le métier", ajoute le jeune acteur, lui-même venu de banlieue il y a trois ans pour une formation théâtre au Cours Florent et cinéma à la Femis.

Présenté en février dans la sélection parallèle Panorama de la Berlinale, le film de plus de deux heures marque l'entrée en scène d'une nouvelle jeune génération d'acteurs.

- Le cinéma en débat -

Avec pour titre anglais "A Paris Education" pour sa version internationale, c'est donc un film aux allures de roman d'apprentissage que propose Jean-Paul Civeyrac, résonnant avec des classiques du roman d'apprentissage comme "L'Education sentimentale" de Flaubert ou le "Père Goriot" de Balzac.

"Seul en province, on se sent doué, invincible, mais arrivé à Paris (...) on quitte le rêve flou de ce que l'on croyait être capable de faire. C'est brutal, douloureux", estime le réalisateur de 53 ans, cité dans le dossier de presse.

Pourquoi "Mes provinciales" ? Le film évoque à plusieurs reprises l'oeuvre de Blaise Pascal, "Les provinciales", où le philosophe français du 17e siècle dénonce l'imposture des jésuites et plus généralement les actes qui ne sont pas en conformité avec les paroles.

"Peu à peu, Etienne apprend à ne pas se mentir à lui-même, à ne pas s'illusionner sur ses propres capacités, artistiques et sentimentales", affirme le réalisateur.

Armé de sa vision idéaliste du métier de cinéaste, Etienne intègre au début du film l’Université Paris VIII pour faire un master et se lie immédiatement avec l'affable Jean-Noël (Gonzague Van Bervesseles) et Mathias (Corentin Fila), charismatique mais plutôt grande gueule.

Mathias assène en effet ses remarques cinglantes concernant le travail de ses camarades de classe: "tu vantes les choses les plus régressives", "t'as juste envie de plaire", "c'est de la littérature" ou encore "tu restes un peu dans ton confort". Il ne mâche pas ses mots pour démolir des films actuels, critiquant ceux où "il n'y a plus de folie" ou ceux "formatés pour les réseaux sociaux".

Car au-delà du cheminement du héros, le film fait ainsi aussi écho aux éternels débats autour du cinéma, estime Andranic Manet. De tels débats animaient déjà les jeunes années du réalisateur comme aujourd'hui les futurs professionnels: "Avant, on débattait de Pialat et Godard, maintenant c'est Kechiche", souligne l'acteur.

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