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"Mordu" de techno et de théâtre, Steve était "un garçon plus sensible que les autres"

Ancien timide épanoui à travers le théâtre, fan de techno qui "adorait travailler avec les enfants", Steve Maia Caniço, retrouvé dans la Loire cinq semaines après sa disparition qui a bouleversé bien au-delà de Nantes, était "un garçon plus sensible que les autres".

"Steve, c'est le fils de tout le monde", résume Muriel Paillat, 62 ans, croisée par l'AFP samedi lors d'un hommage en bord de Loire. Sa disparition lors de la Fête de la musique, le soir d'une intervention policière controversée, "cristallise toutes les angoisses des parents quand leurs gamins sortent".

Silhouette fine et éternel sourire, l'animateur périscolaire de 24 ans, aîné d'une fratrie de trois enfants, était un "mordu" de techno, selon ses proches. Une passion qui l'avait propulsé au rang d'habitué des "free parties", ces soirées dont seuls les initiés s'échangent l'adresse au dernier moment.

"Tous les jours, il m'envoyait des sons sur Facebook, je m'en servais même parfois dans mes sets", raconte Théo, 21 ans, DJ qui le conduisait aux soirées. Steve n'avait pas le permis.

Fondu du genre "hardstyle" et de ses distorsions sonores, Steve pouvait écouter de la techno "du matin au soir", confirme Amélie, qui écumait la campagne avec lui "quasiment tous les week-ends". Devant les murs de son, Steve ne dansait pas, il "sautait partout".

"Ce qu'il aimait en free, c'était la liberté d'expression", poursuit-elle. "Les gens ne sont pas là pour te juger."

Dans cet univers nocturne, il était "un garçon plus sensible que les autres", estime la jeune femme de 21 ans. "Très sociable, attentionné", il était facilement happé par les conversations avec ses nombreux potes. "Pas dragueur", ce jeune homme doux au léger strabisme se montrait "réservé avec les filles qui lui plaisaient, pour se protéger".

Il restait éloigné des drogues de synthèse souvent associées à ce milieu, d'après plusieurs proches. "Il n'en voyait pas l'intérêt, la musique lui suffisait", explique Amélie. Lors de leur première soirée ensemble, elle le retrouve "en pleurs parce que le son le touchait trop".

- "Du rire aux larmes" -

"Il avait cette faculté de passer du rire aux larmes en une seconde", abonde Gaëtan Ardouin, président de la compagnie de théâtre Jean Le Gallo, où Steve s'est "métamorphosé" sur les planches pendant son enfance autour de La-Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes.

Lorsque sa mère, qui travaille auprès de personnes en situation de handicap, l'inscrit au théâtre à dix ans, Steve est encore un enfant "introverti, limite complexé, qui a du mal à aller vers les autres", se remémore le quadragénaire.

Au fil des années et des représentations, il devient "un acteur talentueux" qui "aime se déguiser", comme les super-héros dont il est fan.

"Il avait le sens du timing comique, mais il ne versait jamais dans le cabotinage", confirme sa professeure, Gwénola Cogrel. Épanoui et admiré par la troupe, ce fils de maçon portugais est resté "très humble", raconte-t-elle. "Il avait une liberté extraordinaire en improvisation, mais il savait très bien suivre les directives d'un metteur en scène."

"Discret sur sa vie personnelle", le jeune homme évoque un temps avec elle l'idée de vivre de sa passion, en tant qu'acteur ou régisseur son et lumière. Mais il renonce, trouve des petits boulots en supermarché, et arrête le théâtre en 2016, avant de passer son brevet d'animateur pour retrouver un public qu'il aime: les plus petits.

"Il adorait travailler avec les enfants et les gamins l'adoraient", témoigne Anne-Claire Le Portois Girin, qui a connu Steve sur scène avant de le retrouver animateur périscolaire dans l'école de son fils à Treillières, commune au nord de Nantes. A la rentrée, il espérait lancer une activité théâtrale dans l'école.

Son absence devant la grille chaque matin a créé "une atmosphère super lourde" fin juin, "beaucoup d'enfants pleuraient". "Mon fils m'a demandé s'il était mort à cause des policiers", raconte-t-elle. "J'ai tellement de colère... Je ne sais pas quoi lui répondre."

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