Accueil Actu

"P'tit Quinquin" saison 2: les Ch'tis de Bruno Dumont à l'heure de l'apocalypse

Le réalisateur Bruno Dumont a choisi de plonger son "P'tit Quinquin" dans les affres de l'apocalypse pour une deuxième saison encore plus loufoque de sa mini-série, "Coincoin et les Z'inhumains", prévue en septembre sur Arte.

Le Pas-de-Calais est confronté dans "Coincoin" (4X52 minutes) à la chute de "glu" extraterrestre, une matière noire, nauséabonde et effervescente. Elle pénètre les habitants de la région qui se dédoublent et déambulent entre "Z'inhumains".

Un mystère pour la gendarmerie, mais surtout un prétexte pour Bruno Dumont de relancer la machine burlesque, qui avait fait le succès de "P'tit Quinquin" sur Arte en 2014.

Alors que le carnaval bat son plein sur la Côte d'Opale, la glu tombe par seaux. Surtout sur le duo de gendarmes au centre de cette deuxième saison: le commandant philosophe Van Der Weyden (Bernard Pruvost), survolté, et son lieutenant Carpentier (Philippe Jore) qui poursuit ses cascades automobiles.

- "La mort de tout" -

"C'est l'apocalypse, la fin de la vie, la mort de tout, même de la gendarmerie", souffle le commandant Van Der Weyden, secoué, le revolver toujours dressé vers le ciel.

Coincoin (Alane Delhaye) est furieux que sa petite voisine soit amoureuse d'une agricultrice et se console dans les bras d'une belle vacancière. A 17 ans, l'ex-p'tit Quinquin colle des affiches pour l'extrême droite et joue au chat et à la souris avec les gendarmes au volant de son tacot, dans la lumière blanche du Pas-de-Calais.

Après la première saison, Bruno Dumont avait "envie d'aller encore plus loin, de trouver une histoire farfelue qui permette de parler du réel", a indiqué le réalisateur mercredi lors d'une conférence de presse.

Coincoin et les gendarmes croisent la route de migrants, qui ont installé un camp sur le port de Boulogne-sur-mer et que des jeunes militants veulent brûler.

Pendant le tournage de la série en 2017, un (vrai) élu FN s'était inquiété de cette installation, croyant qu'il s'agissait d'un vrai camp.

Dans cette nouvelle saison, le commandant se révèle raciste et homophobe, soit un personnage "compliqué", selon Bruno Dumont: "une nature humaine brassée par des sentiments contradictoires", qui protège les adolescents mais les mate et les insulte en même temps.

"La nuance, il n'y en a pas. La morale, il n'y en a pas non plus", assume le réalisateur. "Ce film pique. Il faut que le cinéma nous libère de notre méchanceté (...) Je veux pousser le spectateur à son point de déséquilibre".

Le clonage des habitants mène à des quiproquos absurdes; un humour grinçant imprègne chaque plan, au risque de créer un sentiment de gêne.

- 3e saison ? -

Dans "Coincoin", les gorges déglutissent et les intestins gargouillent. Ce "burlesque sonore", inspiré des toiles de Brueghel et Bosch représente "une cacophonie spirituelle", "une vicissitude de la nature humaine dont le commandant serait la tête de pont", souligne Bruno Dumont, ancien professeur de philosophie converti à un cinéma radical.

Comme dans la première saison, l'intrigue policière sert de toile de fond pour poser des questions existentielles. Qui est le plus humain? Comment se manifeste le mal? "On doit se poser des questions, mais il faut aussi accepter qu'il n'y ait pas de réponse", lâche Bruno Dumont.

Les acteurs, tous amateurs pour la première saison, sont désormais "plus à l'aise, connaissent la caméra, l'équipe", explique le réalisateur. Alane Delhaye, notamment, "s'amuse, il connait la machine et en joue". Le réalisateur a continué à les guider à l'oreillette pendant le tournage, tout en leur laissant une grande liberté pour improviser.

Y aura-t-il une troisième saison? "Tout est possible", répond Bruno Dumont, 60 ans, qui prépare un nouveau film sur le journalisme et pour lequel il travaillera avec des acteurs professionnels.

Début août, le réalisateur de "Flandres" et "L'humanité" (deux Grands prix du jury à Cannes) doit recevoir un Léopard d'honneur au festival de Locarno (Suisse) où "Coin-Coin et les Z'inhumains" sera projetée en première mondiale.

À lire aussi

Sélectionné pour vous