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"Poussière", une fresque sur la vieillesse à la Comédie-Française

"On est déjà mort, c'est juste une question de temps". Pièce tragi-comique sur la vieillesse, "Poussière" est entrée au répertoire de la Comédie-Française grâce à un puissant texte du Suédois Lars Norén, l'un des dramaturges contemporains vivants les plus mis en scène au monde.

La pièce, qui joue du 10 février au 16 juin, a été écrite spécialement pour les comédiens de l'un des plus vieux théâtres au monde.

Elle met en scène 11 personnes âgées, six hommes et cinq femmes, qui partent en vacances depuis plus de 30 ans au même hôtel, pendant une semaine, au soleil.

Dès le début de la pièce de près de deux heures, ces personnages anonymes se perdent dans les souvenirs, les peurs, la résignation ou encore la dérision.

Les dialogues sont hachés et les bribes de conversations sont un peu à l'image de ces vieux dont la vie se désintègre doucement et qui attendent de partir l'un après l'autre.

"Mourir d'une belle mort, ce n'est pas comme si on avait le choix, bordel!", se moque l'un d'eux, tandis qu'un autre personnage renchérit: "Ca prend plus de temps de mourir ici que dans un opéra".

Lars Norén - auteur de plus de 80 pièces de théâtre - montre des personnages "qui ont de l'humour malgré tout, ça fait partie de la vie", explique à l'AFP Amélie Wendling, une de ses collaboratrices.

Mais il montre aussi que "l'esprit peut tomber en poussière, autant que le corps".

Au fil de la pièce, les dialogues, les positions des acteurs sur scène se déstructurent, miroir d'une vie qui se décompose.

- "Seul dans le noir" -

Pour le dramaturge, il était important de montrer "qu'est ce qui fait une vie humaine, quelles sont les traces qui resteront indélébiles à la fin", souligne Mme Wendling qui collabore avec lui depuis 15 ans pour les spectacles créés sur les scènes francophones.

Dans cette pièce sur "les au-revoirs, sur les souvenirs" comme le dit Norén lui-même, les vieux personnages présentent plusieurs facettes à l'approche de la mort.

Il y a les solitaires ("Je ne bouge pas, je suis seul dans le noir"), les sereins ("Quelle chance de ne pas se souvenir de comment c'était exactement") et les angoissés ("j'ai peur de regarder une montre").

Il y a aussi l'acceptation d'une fin inéluctable: "je me demande qui viendra nous enterrer", lâche l'un des personnages.

"Ce qui est étonnant dans l'écriture de Lars, c'est qu'on ne sait pas pourquoi en parlant de choses anodines tous les personnages nous deviennent familiers", assure Mme Wendling.

Une pièce intemporelle, mais qui fait également des clins d'oeil à l'actualité.

Outre les 11 personnages, apparaît sur scène un enfant de 9 ans qui incarne un migrant noyé près du complexe hôtelier. Un rappel d'Aylan Kurdi, le petit Syrien dont la photo montrant son corps sans vie échoué sur une plage turque en 2015 avait ému le monde.

"Il parle du monde d'aujourd'hui... il a ce grand talent d'arriver à nous faire une fresque humaine parce que tout le monde peut se reconnaître quelque part".

Au départ poète et auteur, Lars Norén, 73 ans, est considéré comme un héritier de Tchekhov ou d'Ibsen.

Son oeuvre s'est concentrée graduellement sur les marginaux de la société - une de ses pièces sur les sans-papiers avait abouti à la création d'un syndicat pour eux en Suède - et est devenu de plus en plus existentialiste au cours de la dernière décennie.

"Cette pièce me permet de faire face à mes propres inquiétudes et à mon propre chemin", a écrit le dramaturge à propos de "Poussière".

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