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"Réadapter" les lieux culturels: l'appel du nouveau directeur de l'Opéra de Dijon

"Il ne faut pas fermer mais réadapter" les lieux culturels: face au Covid-19, le nouveau directeur de l'Opéra de Dijon Dominique Pitoiset appelle à "sortir des murs" pour garder "le lien" avec un public en souffrance.

"C'est un exercice peu commun que d'arriver en poste pour déconstruire ce qui a été fait avant": depuis son arrivée à l'Opéra de Dijon début janvier, le metteur en scène Dominique Pitoiset annule, reporte et décale des spectacles plutôt que d'en programmer de nouveaux.

Mais "la situation est à la fois angoissante et très passionnante", se rassure l'ancien directeur du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (de 2004 à 2013).

"Car cela remet à plat toutes les fonctionnalités des lieux d'art et de culture dans la communauté". Pour le metteur en scène, "à force d'être dans des missions fléchées", les espaces culturels ont pris le risque de se retrouver "hors sol", déconnectés des populations.

"Un lieu d'art a pour mission première d'être inscrit dans une géographie", croit-il. Or cette mission n'a jamais été aussi pertinente qu'en ces temps de "pleine absurdie": "nous sommes des animaux sociaux et fermer les espaces culturels c'est accepter des formes de régression".

"Nous pourrions être utiles dans la proximité: après le streaming gratuit, qui a préservé l'activité artistique, l'art et la culture ont leur rôle à jouer: un rôle de lien".

Ainsi, le nouveau directeur "ne se résout pas à tout annuler". "Il ne faut pas fermer les lieux culturels mais les réadapter. Les salles sont fermées, alors sortons des murs. Allons ailleurs, réinvestissons l'espace urbain", lance-t-il, n'attendant que "les beaux jours pour tout programmer dehors".

- Nouveau cirque et danse -

"Il va falloir réagir. Et l'opéra ne peut pas échapper à être résolument dans son époque". Déjà, la crise sanitaire a sonné le glas de la formule abonnement, "totalement inadaptée" à un public qui prend dorénavant ses billets à la dernière minute.

Outre la baisse "d'environ 50% de la fréquentation" en 2020, l'Opéra de Dijon voit ainsi ses fidèles annuler leurs abonnements pour cette saison et ne pas en prendre pour la prochaine. "Pour la première fois, nous ne vendons plus. Nous remboursons".

Et ce n'est pas la captation qui fera revenir ce public, croit M. Pitoiset. "La captation, c'est bien beau, mais ce sont des archives. Moi, je ne suis jamais ému".

A Dijon, la ville où il est né il y a 62 ans, le directeur avoue une difficulté supplémentaire: remplir un auditorium de 1.600 places, soit deux fois la capacité du théâtre parisien de l'Odéon par exemple. "C'est un modèle difficile à tenir", confesse-t-il.

Ainsi, même si les finances sont "à l'équilibre" et que les subventions qui forment 80% du budget ne sont "pas remises en cause", l'Opéra de Dijon doit "développer des publics sur des projets différents".

Réputé pour son éclectisme, l'ancien directeur du Théâtre national Dijon-Bourgogne (1996-2000) compte donc pratiquer une ouverture tous azimuts: à la danse, et un appel du pied a été fait aux danseurs Boris Charmatz et François Chaignaud; au nouveau cirque, avec une proposition faite au chorégraphe Yoann Bourgeois; mais aussi au chant grâce à un partenariat avec la Cité de la voix de Vézelay (Yonne).

Metteur en scène de théâtre et d'opéra à succès, aussi bien avec le classique Cyrano de Bergerac, titré aux Molière, qu'avec le très contemporain "Un été à Osage County" de Tracy Letts, M. Pitoiset montera début 2022 un Cosi fan tutte, de Mozart, tout en "ouvrant le répertoire sur d'autres titres", comme Offenbach, "des titres plus légers", et bien entendu du contemporain, obligation faite à Dijon par son statut de Théâtre lyrique d'intérêt national.

Le directeur compte ainsi non seulement "garder" ce label, dont il a été craint que Dijon ne le perde, mais également le "relancer".

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