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"Toy", album fantôme de David Bowie, sort des limbes

C'est l'histoire d'un album pas comme les autres: "Toy", exhumé dans son intégralité aujourd'hui, a d'abord été laissé dans un tiroir en 2001 par David Bowie à la suite d'une brouille avec une maison de disques.

"Toy" n'est pas connu du grand public. Les inconditionnels du Thin White Duke, un des surnoms de l'artiste, ont en revanche suivi ses traces à la loupe. D'abord parce qu'une version pirate de piètre qualité a fuité sur le web en 2011.

Ensuite parce que quelques titres de "Toy" se sont retrouvés dans "Heathen" (2002), ont échoué sur des faces B ou sur une compilation. "Les fans connaissent quand même les deux-tiers de l'album", éclaire pour l'AFP Jérôme Soligny, auteur de "David Bowie Rainbowman", ouvrage-référence initialement paru en deux tomes (Gallimard), objet de rééditions et de traductions internationales.

"Toy" permet à Bowie de donner "un coup de lifting", comme le dit Soligny, à des chansons peu connues de son répertoire des années 1960-70 (seulement trois originaux dans le lot initial). Qu'un créateur-né comme lui se retourne sur son passé fait déjà de "Toy" un album à part.

L'explication principale pour Soligny, est qu'"il adore les musiciens avec qui il joue à cette époque (la charnière des années 2000), et quand eux suggéraient une reprise, il acceptait".

- "Gens épouvantables" -

Les germes de "Toy" sont là avec la réinterprétation, à la fin des années 1990, de "Can't help thinking about me" (titre de 1966) sur scène avec son groupe. C'est avec cette formation qu'il livre un des concerts les plus marquants de sa carrière à Glastonbury, en Angleterre, en 2000.

Cet album est aussi notable dans le parcours de Bowie, car c'est au cours de son enregistrement à New-York que l'artiste se réconcilie avec son producteur historique, Tony Visconti. Il ne l'avait plus sollicité en studio à partir de "Let's Dance" (1983, carton commercial produit par Nile Rodgers, guitariste de Chic).

"Bowie avait envie de retravailler avec lui, mais au début par doses homéopathiques, pour voir comment ça se passe, car Tony et lui sont deux fortes personnalités", déroule Soligny. "Tony vient d'abord pour arranger des cordes, et après ça, Bowie lui demande de refaire certains mixages de Mark Plati (producteur désigné)". Visconti retrouvera ensuite son rôle de producteur jusqu'au dernier album "Blackstar" (2016, année de décès du chanteur à 69 ans).

Mais les choses s'enveniment avec la maison de disques. "Virgin est devenue une merde absolue. Ces gens ont été épouvantables durant les deux années qui ont précédé mon départ", déclare ainsi Bowie en 2002 dans des propos rapportés dans "Rainbowman".

L'artiste range "Toy" sur l'étagère et passe à autre chose en sortant "Heathen" (chez Iso/Columbia/Sony).

- Pochette déroutante -

Les légataires de Bowie sortent aujourd'hui "Toy" (chez Parlophone/Iso/Warner) en deux temps. L'album apparaît d'abord dans sa version originale ce vendredi au sein de la gargantuesque rétrospective "David Bowie 5. Brilliant Adventure (1992-2001)".

Ce coffret est riche d'autres enregistrements, tels un live à la BBC de 2000. Le 7 janvier 2022, la veille de l'anniversaire de Bowie, "Toy (Toy:Box)" présentera cette fois l'album accompagné de versions alternatives et acoustiques.

"Toy" est un album honnête, "chaînon manquant" comme le dépeint Soligny, entre "Hours..." (1999) et "Heathen". Bowie, qui ne peut plus avoir la tonalité d'origine -- "les années cigarettes pèsent lourd" -- chante comme "Scott Walker, qu'il adorait, il va vers une voix de baryton", analyse Soligny.

Reste la question de la pochette, jamais apparue jusqu'ici et déroutante pour ne pas dire laide, avec les traits d'un Bowie adulte sur un visage d'enfant simiesque. Qui n'étonne pas tant que ça Soligny: "Il a toujours aimé les +freaks+ comme sur la pochette de +Diamond Dogs+ (Bowie y est mi-homme mi-chien) ou sur la pochette de +Lodger+ où il apparaît nez cassé. Ce qui ne l'empêchait pas de bosser à côté avec les meilleurs photographes de mode pour paraître le plus beau possible".

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