Accueil Actu

30e édition d'Africolor: l'année de la femme

Le festival Africolor, organisé essentiellement en Seine-Saint-Denis, donne la parole cette année, pendant plus d'un mois, à de nombreuses femmes musiciennes et créatrices du continent, qui ont choisi de prendre en main leurs destins d'artistes au mépris de certains préjugés.

"Le choix de faire un fil rouge autour des femmes artistes africaines s'est imposé à nous, au fil de nos programmations, par des rencontres, des soutiens en production. Nous avons choisi de consacrer une édition à ces femmes, plus particulièrement à celles qui sont des entrepreneures culturelles et des chefs de projets", explique à l'AFP Sébastien Lagrave, directeur d'Africolor.

Tout un symbole: le premier week-end de cette 30e édition, inaugurée vendredi par la chanteuse kényane électro-pop Muthoni Drummer Queen, est entièrement féminin. S'y produiront également, à Ris-Orangis et Bobigny, la chanteuse-guitariste Rokia Traoré, qui appartient déjà à l'ancienne génération, et la rappeuse du Cap Dope Saint Jude, qui symbolise la nouvelle.

"Il y a une volonté militante dans le fait de programmer ces femmes et, parmi elles, celles qui dans leurs pays respectif affrontent des imaginaires patriarcaux ou des discriminations, dans l'accès aux instruments par exemple, ou dans ce que doit être une femme", explique Sébastien Lagrave.

"Tous ces imaginaires qui sont des projections masculines, ces femmes les affrontent, les contournent et ont des stratégies pour imposer une image et un récit qui soient le leur."

Parmi ces femmes qui s'émancipent à travers la musique, figurent les soeurs Hié, un duo de balafonistes burkinabè, ou encore le Kaladjula Band, cet orchestre exclusivement féminin monté en 2014 par la griotte Naïny Diabaté, inlassable militante pour l'égalité.

- "Oser pour avancer" -

Pionnières de ce mouvement qui s'amplifie en Afrique, la Malienne Rokia Traoré et l'Algérienne Hasna El Becharia, qui se sont imposées "sans attendre qu'on leur donne l'autorisation", seront également à l'affiche d'Africolor.

Pour Rokia Traoré, la ségrégation envers les femmes musiciennes est une réalité en Afrique, mais pas plus forte qu'ailleurs. "Ça n'est pas évident pour les femmes dans la musique, mais je dirais comme partout. Celles qui osent, arrivent à avancer et à pousser les frontières pour celles qui arrivent derrière", affirme-t-elle à l'AFP.

"Il faut avoir beaucoup plus d'audace, de courage, de force, de persévérance qu'un homme dans certains domaines pour avancer, mais je ne pense pas qu'on souffre plus qu'ailleurs", insiste cette femme engagée, fondatrice de l'association Passerelle qui encadre de jeunes musiciens dans son pays.

"Quand je suis arrivée en jouant de la guitare, j'ai été une curiosité tout de suite en Afrique. Il a fallu que je persévère, je suis allée à contre-courant", ajoute-t-elle.

Dans ce concert de femmes, Africolor n'en n'oublie pas complètement les hommes.

Le Camerounais Blick Bassy (voix, guitare, banjo), dont la réputation grandit, sera le maître d'oeuvre de "1958", une création autour d'un événement oublié de l'histoire: l'assassinat cette année-là d'Um Nyobé, ancien leader de l'Union pour le Peuple Camerounais.

Le festival, où se produira également la nouvelle star malienne Fatoumata Diawara, continue aussi de développer des synergies entre musiciens d'ici et de là-bas, à travers des rencontres et des créations.

Parmi celles-ci: "Brazza zéro kilomètre", un projet entre musiciens du Congo Brazzaville et jazzmen européens, et "Kogoba Basigui", "une création dantesque" selon Sébastien Lagrave, avec dix musiciens de jazz d'Europe du Nord, sept musiciens du Mali et un choeur de 100 à 120 personnes.

À lire aussi

Sélectionné pour vous