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À Avignon, du théâtre malgré tout

"Au moins, on joue": annulé cet été, le Festival international de théâtre d'Avignon, se réinvente en "semaine d'art" à partir de vendredi et veut faire bonne figure malgré les restrictions sanitaires et un couvre-feu fraîchement imposé.

Le prestigieux festival renoue avec les levers de rideaux, même si le geste reste symbolique: des 45 spectacles qui étaient prévus en juillet, sept ont été sélectionnés, de nombreuses pièces n'ayant pas pu être créées en pleine pandémie.

"Capitale du théâtre" chaque juillet, La Cité des Papes --lieu de résidence des chefs de l'église catholique au 14e siècle -- a été privée cette année de ses 150.000 visiteurs, même si quelques touristes étaient aperçus aux abords du célèbre Palais des Papes.

La "Semaine d'art" est organisée par le Festival principal, dit le "in". La cité du sud-est de la France accueille parallèlement chaque année le "Off d'Avignon", encore plus grand et lui aussi annulé (plus de 1.500 spectacles, un millier de compagnies dans 200 théâtres de la ville).

Même si l'ambiance en octobre, sous un ciel morose, est à mille lieux du bouillonnement de juillet, les organisateurs veulent espérer que les spectateurs seront au rendez-vous.

La jauge, comme dans toutes les salles en zone rouge, est réduite, avec un siège vide entre chaque groupe de spectateurs, et à la suite de l'annonce du couvre-feu appliqué à 38 nouveaux départements, les spectacles ont été avancés de trois heures à compter de vendredi, jour de l'inauguration.

- "On n'est pas des machines" -

"On sait qu'ils (les spectateurs) avaient répondu très présents puisqu'on était presque complet avant d'avoir à ajuster les horaires (...) je crois que tout le monde a envie d'aller au théâtre, les artistes aussi sont très heureux de retourner sur scène dans ce moment de désolation", affirme à l'AFP Olivier Py, directeur du festival.

"Je voyais (cette semaine) comme une fête, ça va ressembler un peu plus à un acte de résistance. Alors on résiste contre quoi? On résiste contre l'épidémie, bien sûr la priorité est de sauver les vies, donc très volontiers on accepte les mesures qui sont prises mais c'est important de continuer à vivre", ajoute-t-il.

L'édition 2020 avait pour "fil rouge" "Eros et Thanatos" (désir et mort), thème choisi bien avant l'hécatombe liée au Covid-19.

Chez les artistes invités, le "désir de théâtre" est plus fort que tout.

"Le fait que les théâtres soient ouverts, qu'Avignon ait lieu, c'est déjà très bien", assure la danseuse et chorégraphe japonaise Kaori Ito.

L'artiste basée en France depuis plusieurs années s'associe avec Yoshi Oïda, 87 ans, comédien légendaire de Peter Brook pour présenter "Le Tambour de Soie", spectacle inspiré d'un classique du théâtre Nô. "J'avais vraiment besoin d'être là car cela faisait 35 ans que Yoshi n'était pas venu à Avignon, depuis Peter Brook", dit-elle.

"C'est important que le théâtre soit une première nécessité, on ne peut juste aller travailler, rentrer chez soi et consommer, on n'est pas des machines, on a besoin d'échanger des émotions, de poser des questions, de méditer ensemble et on trouve tout ça dans le théâtre", plaide-t-elle.

La scène "doit être vraiment protégée au maximum pour qu'on puisse rêver, créer l'avenir, sinon on va mourir!", ajoute-t-elle.

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot avait annoncé jeudi que le spectacle vivant et le cinéma allaient recevoir respectivement 85 millions et 30 millions d'euros d'aides supplémentaires pour traverser la crise sanitaire liée à l'épidémie.

Pour le metteur en scène Jean Bellorini, qui présente "Le Jeu des Ombres", une pièce inspirée du mythe d'Orphée où les thèmes de la mort et la séparation sont fortement présents, "ce rebond avec cette semaine d'art est une chance. On a une impatience énorme de pouvoir enfin partager ce spectacle" qui devait inaugurer le festival à l'été dans la Cour d'honneur du Palais des Papes, lieu emblématique du festival. Il sera finalement présenté hors des murs de la ville.

"On a besoin de ces retrouvailles, de cette cérémonie partagée", assure ce directeur depuis janvier du légendaire Théâtre national Populaire à Villeurbanne, qui porte les marques de Jean Vilar, fondateur du festival d'Avignon en 1947.

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