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A Clermont-Ferrand, un centre d'éveil à l'art inédit pour les tout-petits

Ceci n'est pas un musée, dirait Magritte. Ni une salle de jeux. La ville de Clermont-Ferrand a ouvert fin mai le premier site d'initiation à l'art pour les 0-6 ans, un lieu unique en France créé en partenariat avec le Centre Pompidou.

"Regarde mon petit chou la forme en gros escalier", chuchote à l'oreille de Gaspard, âgé de seulement quelques mois, sa maman en désignant un gros polygone, suspendu au plafond dans une salle jaune monochrome, un peu futuriste, spécifiquement dédiée aux 0-2 ans.

Baptisé "Mille Formes", cet espace de 600 mètres carrés, installé dans un ancien magasin de vêtements à quelques encablures de la place de Jaude, se veut un lieu pluridisciplinaire à destination des parents et de leur progéniture.

"Ce n'est pas un musée en soi mais un lieu d'art contemporain où l'on travaille avec des artistes qui font des propositions pour les tout-petits. Par le geste, par la pratique, ces derniers vont expérimenter, appréhender ce que peut être l'art", explique Sarah Mattera, responsable du pôle Prospective et Nouveaux concepts au Centre Pompidou.

Le lieu, encore inachevé, fermera ses portes mi-juillet pour travaux avant une ouverture définitive en décembre.

- "Labyrinthe pour fourmis" -

Avec ce décor, le centre s'est emparé de la thématique du "chantier" pour proposer divers ateliers et oeuvres ludiques créés par des plasticiens: château gonflable; tissage de drapeaux à l'aide de rubans de signalisation; jeux de construction à partir de milliers de parallélépipèdes en bois et mousse - "sans angle droit pour faire réfléchir à la notion d'équilibre" - ou de cartons sérigraphiés "rappelant la brique ou le parpaing".

Pour construire, chacun sa technique. Tandis qu'un groupe de bambins s'évertue à édifier un mur bien plus haut qu'eux, Tristan, 5 ans, s'essaie au minimalisme, en assemblant un "labyrinthe pour fourmis".

"Il construit, déconstruit, il est immergé dans son imaginaire", sourit Marie-Charlotte, sa maman. "Cela change de la sortie au parc ou à la bibliothèque du mercredi après-midi".

Et l'art contemporain dans tout ça ? "Lui, il voit ça plus comme une immense salle de jeu mais on lui explique aussi que l'expression artistique c'est aussi ça, réutiliser un objet en le détournant de sa fonction première", souligne la jeune femme aux longues tresses.

Car ici, l'art est "désacralisé". "On n'a pas besoin d'avoir un bagage intellectuel pour apprécier. On cherche plus à créer une expérience sensorielle en lien avec les parents", abonde une jeune médiatrice, étudiante en cinquième année aux Beaux-Arts, Amélie Sounalet.

Un peu plus loin, une salle de projections présente en continu des films pour enfants sélectionnés par le Festival du court métrage de la ville. D'autres activités mêlant théâtre, musique ou encore design culinaire sont également programmées "hors les murs", dans les crèches, écoles et salles de spectacles voisines.

- L'âge où tout se joue -

Financé à 100% par la municipalité, à hauteur de 750.000 euros par an, le lieu entièrement gratuit mêlait dès les premiers jours des familles de tous horizons. "Et pas que des bobos", se félicite le maire Olivier Bianchi, à l'origine du projet.

Alors adjoint à la Culture, il a imaginé, en pleine crise de l'intermittence, "un sas" pour éveiller les plus jeunes aux émotions artistiques". Et éviter pour certains de traîner plus tard les pieds lors de sorties au musée.

"Les enfants sont pris tardivement dans la rencontre artistique et souvent parfois captifs d'un enseignement scolaire. Alors qu'entre 0-6 ans, c'est là que tout se joue. On peut contrecarrer les habitus et déterminismes sociologiques pour faire de ces enfants de futurs prescripteurs", justifie-t-il.

"Les neurosciences démontrent aujourd'hui qu'il est très important d'offrir des activités artistiques aux tout-petits. D'ailleurs, les parents sont très demandeurs de propositions", confirme Sarah Mattera du Centre Pompidou.

"La culture, c'est ce qui nous rassemble, fabrique du lien et nous rend de plus en plus intelligent dans un monde conflictuel", insiste Olivier Bianchi.

Et d'imaginer "une nouvelle génération culturelle", partie prenante de la vie culturelle de la capitale auvergnate, lancée depuis quelques années dans la course pour être désignée Capitale européenne de la culture en 2028.

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