Accueil Actu

A l'école professionnelle de la boucherie, les ateliers font le plein d'apprentis

"Un jeune, c'est un puzzle avec la boîte, à nous de tout assembler!". Depuis trente ans, Patrick Paulmier a formé des centaines d'apprentis bouchers qui apprennent un métier manuel parfois mal considéré mais offrant des débouchés.

Cette année, 400 apprentis pointent à l'appel de l'école professionnelle de la boucherie pour obtenir un CAP ou un brevet professionnel, soit plus du double que pendant la période noire de la vache folle.

Dédiée uniquement à la boucherie, l'école parisienne fête ses 90 ans samedi, explique sa directrice, Lucette Bertrand, qui œuvre à redorer toujours et encore l'image d'un métier qui traîne une mauvaise réputation, entre "le froid" et le "sang".

"On est resté sur la période abattoir", regrette, un peu chagrin, Claude Anthierens, président de l'école, lui même boucher et meilleur ouvrier de France.

Il assure que le métier n'a plus rien à voir avec autrefois, notamment au niveau du port de charge.

Le secteur représente 80.000 emplois sur toute la France, de l'artisan boucher traditionnel au rayon de la grande surface, et la demande est là.

La tendance à manger moins de viande, et la mode végétarienne ou vegan? "A court ou moyen terme, cela va avoir un impact", reconnaît M. Anthierens, sans s'étendre.

Certains bouchers "stars", comme Hugo Desnoyer ou Yves-Marie Le Bourdonnec, se font depuis quelques années les ambassadeurs d'une profession, qui attire maintenant des adultes avec un projet de reconversion.

"Il y a quelques années, quand on allait dans certains lycées, on nous présentait que les cas sociaux", relate Mme Bertrand.

Cela change, doucement.

- 'Tous passionnés' -

A l'atelier, seule femme parmi la vingtaine d'apprentis, Aminata, 21 ans, s'applique à ficeler un morceau de viande. Bac commerce en poche, elle a travaillé "à la vente" dans une boucherie, et s'est décidée alors à entrer en apprentissage. Sa soeur, "manager en boucherie", l'a encouragée.

Alors qu'elle confesse "beaucoup d’absentéisme à l'école", elle explique avoir "envie de venir le matin, car ils sont tous passionnés".

Elle passe une semaine à l'école (35 heures) et deux semaines en entreprise. Pour elle, un supermarché d'Eaubonne (Val d'Oise).

Ses camarades "épluchent", "désossent", coupent, dégraissent, sous le regard bienveillant et passionné de leur formateur.

"Ici, on a des jeunes à qui on a toujours dit qu'ils étaient des +bons à rien+", explique M. Paulmier, soucieux de leur offrir une nouvelle page à écrire, loin des bancs d'une école souvent méprisante envers les métiers manuels.

"Nous ne sommes pas des profs, nous sommes des formateurs", insiste-t-il. Il a vu passer plusieurs générations et "s'adapte". Observant l'un de ses poulains faire des nœuds avec la ficelle, il explique: "certains ne savent pas faire de nœuds parce qu'ils ont des chaussures à scratchs".

Cravatés sous leur tablier en cotte de maille, les apprentis filent droit. M. Paulmier repère tout de suite celui qui est inoccupé et le met à la tâche, parce qu'à leur âge "il faut que cela bouge".

"T'as rien à faire? Tu prends une scie et tu viens. Tu sais couper un os à moelle?". Et hop, c'est parti, à la scie mécanique s'il vous plaît.

De loin, il remarque "un clown de service", "super intelligent" qui a besoin de "reconnaissance", ausculte autant les gestes que les personnalités de ses apprentis, entre grands ados et jeunes adultes.

Petit signe que le métier séduit de nouveau, un quart des apprentis sont des enfants de bouchers, comme Lucas, 16 ans, "né dedans" avec un père passé par l'école. Ce n'était plus le cas ces dernières années.

À la une

Sélectionné pour vous