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A la Fondation Vuitton, l'indémodable "art d'habiter" de Charlotte Perriand

La célèbre chaise longue basculante, la table extensible, le fauteuil tournant, le collier en roulement à billes... Tout cela c'est elle. Précurseure de l'architecture d'intérieur, Charlotte Perriand (1903-1999) qui collabora avec Le Corbusier, est à l'honneur à la Fondation Vuitton

Personnalité phare du design du XXe siècle, femme engagée dans un milieu professionnel exclusivement masculin, Charlotte Perriand a bousculé aussi les codes de la décoration et de "l'art d'habiter" dont elle est toujours, vingt ans après sa disparition, l'une des grandes théoriciennes.

Quatorze ans après une première exposition au Centre Pompidou, la Fondation Vuitton lui rend hommage jusqu'au 24 février avec une exceptionnelle rétrospective. Une célébration d'une femme visionnaire.

Grâce aux prêts de grands collectionneurs et institutions internationales, 200 meubles de Charlotte Perriand dialoguent avec autant d'oeuvres d'artistes amis: Picasso, Calder, Miro, Léger ou Braque.

Proche du Parti communiste, ancienne élève de l'Ecole de l'Union centrale des arts décoratifs, Charlotte Perriand (1903-1999) a participé activement à la réflexion sur l'architecture moderne, en collaborant aux recherches de Le Corbusier sur le "logement minimum".

"Ses principes d'habitat sont toujours valables et c'est extraordinaire de les voir mis à l'honneur. Ma mère a toujours travaillé pour le plus grand nombre. Son credo était de faire le vide le plus possible dans l'habitat afin de libérer l'esprit", confie à l'AFP Pernette Perriand, fille de la designer et l'une des commissaires.

Alors que beaucoup de meubles de Charlotte Perriand ont disparu, de fidèles reproductions ont été spécialement réalisées et mises en scène de façon à permettre au visiteur de ressentir la volumétrie de l'espace. Inventée en 1934 mais jamais réalisée du vivant de l'architecte, une maison de plage, chef-d'oeuvre de confort minimaliste, a été édifiée sur la pièce d'eau de la fondation.

- "L'art est dans tout"-

"La chaise longue basculante sur laquelle elle est photographiée en 1929 avec son célèbre collier en roulement à billes, nous étonne par sa modernité. Charlotte Perriand est au coeur d’un nouvel ordre des choses", souligne Jean-Paul Claverie, conseiller culturel et administrateur de la Fondation Vuitton.

Séduit par ses premières créations au Salon d'automne de 1927, Le Corbusier l'engage comme responsable du mobilier et de l'équipement de ses villas et immeubles avec cette consigne très misogyne: "Ici, on ne brode pas de coussins!"

"Ma mère ne se laissait pas faire. C'est bien pour cela qu'elle a fini par partir, tout en restant admirative jusqu'au bout de l'oeuvre de Le Corbusier. Elle a toujours défendu l'architecte quand il était attaqué. L'homme, c'était autre chose", ajoute Pernette Perriand.

Prônant "l'art pour tous", Charlotte Perriand qui a été de 1940 à 1946 conseillère pour l'art industriel du Japon, mettait sur un même pied peinture, sculpture et design. Pour elle, "l'art est dans tout". Elle suggérait à ceux qui ne sont pas fortunés d'utiliser des "sculptures naturelles" pour décorer leur logis, comme des pierres ou des troncs d'arbres travaillés par les éléments.

Pour ses meubles ultra-fonctionnels, Charlotte Perriand a utilisé souvent des matériaux nouveaux, issus de l'industrie automobile et aéronautique: "le métal est à l'agencement intérieur ce que le ciment est à l'architecture", affirmait celle qui inventa la première cuisine intégrée.

A partir de 1967, cette passionnée de montagne a été choisie pour concevoir la station de ski des Arcs, rivalisant d'ingéniosité tant au niveau de l'architecture que de l'aménagement des appartements,

Chronologique, la rétrospective prend fin avec une méditation sur la place de la nature dans la "Maison de thé" inventée par Charlotte Perriand en 1993 pour l'Unesco.

Depuis quelques années, les rares créations originales de Charlotte Perriand enregistrent des records aux enchères. En 2017, un imposant bureau ovoïde en pin massif de 1953 a été adjugé à Paris 703.400 euros (avec frais), deux fois l'estimation.

"Pour Charlotte, l'art d'habiter, c'est tout sauf de la décoration", rappelle son gendre et biographe Jacques Barsac. "Sa recette, c'est le rangement pour organiser le vide, sans lequel l'esprit ne peut être libre".

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