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A Padirac, cheminement choral au centre de la terre

Les voix célestes rebondissent sur la roche dans les entrailles de la terre. Le gouffre de Padirac, au fin fond du Lot, offre une fête de la musique inédite, avec une déambulation à fleur d'eau, bercée seulement par les chants sacrés du chœur Mikrokosmos.

Pour trois représentations insolites, à partir de jeudi soir, les spectateurs sont invités à une plongée sensorielle à 103 mètres de profondeur, embarqués avec quarante chanteurs a capella et enveloppés de timbres envoûtants ponctués de percussions.

"Les voix vont se marier avec la pierre et l'eau", explique d'emblée Loïc Pierre, le chef de choeur de Mikrokosmos. "Laissez vos yeux à l'entrée du gouffre et mettez vos oreilles en marche", prévient le concepteur du spectacle déambulatoire "De Profundis".

Tous les sens sont mobilisés pour cette promenade à pied au bord de l'eau et sur des barques à fond plat qui glissent délicatement sur la rivière souterraine.

Clapotis contre la roche, gouttelettes glissant le long des parois pour rebondir sur les épaules frissonnantes, effluves humides, de mousse et de calcaire, cathédrale de stalagmites et stalactites, couleurs bleutées des lacs, lumière caressante qui perce au loin sous le grand dôme, où résonnent déjà les vêpres de Rachmaninov.

Alliance entre la cavité ancestrale de Padirac, patrimoine naturel souterrain de 150 millions d'années, et un répertoire de chant choral venu du monde entier, "De Profundis", créée sur mesure pour le gouffre de Padirac dans le cadre du festival de Rocamadour, n'a été interprétée qu'une fois en 2015, sorte de répétition générale pour la fête de la musique 2018.

Emmeran Rollin, directeur artistique du festival de Rocamadour, a choisi Mikrokosmos, un choeur de jeunes chanteurs (entre 18 et 30 ans) doté d'"une vraie qualité vocale capable d'honorer la rencontre avec ce lieu atypique", et son chef de choeur pour son "inventivité".

- "Ecrin sensationnel" -

A l'unisson entre timbre et espace, "c'est un parcours acoustique", a commenté pour l'AFP Loïc Pierre. "J'ai choisi les œuvres en fonction des lieux, j'aime bien prendre possession des lieux, ici on a un écrin sensationnel, on chante rarement dans un lieu comme celui-là, les moindres pianissimi" sont exacerbées, s'enthousiasme-t-il.

"J'ai fait un travail sur l'imaginaire de l'auditoire", ajoute ce "sculpteur de son", selon l'expression du festival de Rocamadour.

Le chef de Mikrokosmos souligne aussi avoir "marié les langues en fonction des matériaux", en choisissant une pièce américaine à tel endroit, une pièce russe à tel autre ou encore une pièce japonaise qui rebondisse de barque en barque et se répercute le long des galeries souterraines.

Ainsi les jeunes sopranos et barytons donneront du Vytautas Miskinis au début du cheminement aquatique et du Meredith Monk au retour.

"Le chant sacré a un vrai sens ici, car qu'on soit croyant ou pas, le gouffre a un côté spirituel", explique Laetitia de Ménibus-Granier, PDG de la société d'exploitation du gouffre de Padirac, et arrière petite-fille du premier investisseur il y a 130 ans.

Pendant le spectacle, "on est limite en méditation", dit-elle, "c'est un écrin magnifique pour la musique, que la nature nous a donnés, c'est transcendantal, on se sent tout petit dans cette déambulation du temps".

chv/cpy

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