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Affaire Matzneff: dans la tourmente, Bernard Pivot évoque une autre "époque"

L'ancien animateur de télévision Bernard Pivot, accusé de complaisance avec l'écrivain Gabriel Matzneff, qui n'a jamais caché son attirance sexuelle pour les adolescents, a évoqué vendredi une autre "époque", s'attirant les foudres de nombreux internautes.

"Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque", a écrit l'ancien président de l'Académie Goncourt, sur Twitter, où il compte plus d'un million d'abonnés.

La sortie jeudi prochain du "Consentement", témoignage choc de l'éditrice Vanessa Springora, une des adolescentes séduites par Matzneff, secoue le milieu littéraire.

Sur les réseaux sociaux, est largement partagée une vidéo où Bernard Pivot interroge sur un ton badin l'écrivain en mars 1990, dans son émission "Apostrophes". "Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans les lycéennes et les minettes ?", demande-t-il à celui qui n'a jamais fait mystère de son attrait et de ses relations sentimentales et sexuelles avec des "moins de 16 ans".

La séquence, exhumée par l'Ina et accusée d'être complaisante, a été vue près de 400.000 fois depuis sa mise en ligne. Elle marque les esprits grâce à l'intervention de l'écrivaine canadienne Denise Bombardier, seule à réagir. Elle juge que Gabriel Matzneff aurait "des comptes à rendre à la justice" s'il n'avait pas "une aura littéraire".

"Je n’aurais pas pu me regarder dans la glace si je n’avais rien dit", s'est-elle souvenue vendredi au micro d'Europe 1. Cette intervention lui a valu "2.000 lettres de Français pour m’appuyer" mais aussi des "lettres d’insultes", a-t-elle rapporté.

- Pas de mea culpa -

Vanessa Springora raconte dans son livre avoir entamé une relation, sous emprise, avec l'écrivain à l'âge de 14 ans au milieu des années 1980. Il était alors presque quinquagénaire et multipliait les relations avec de jeunes filles et jeunes garçons, parfois dans le cadre de tourisme sexuel en Asie.

La réponse de Bernard Pivot invoquant une autre "époque" suscitait vendredi un torrent de réactions indignées.

"Vous avez été complaisant envers un pédocriminel. Vous n'avez exprimé aucun dégoût, aucune indignation, aucune empathie envers les victimes. Vous avez utilisé le terme de "minettes" pour parler d'elles, pour les dénigrer, les ridiculiser, les disqualifier", l'a interpellé dans un communiqué le collectif féministe #NousToutes.

"J’ai beau chercher, je ne comprends toujours pas en quoi le fait de ne plus tolérer qu’un dandy pervers de 40 ou 50 ans mette son sexe dans la bouche d’une enfant de 13 ans ou exploite des petits garçons en Asie du Sud-Est est une menace pour la création littéraire...", a estimé l'essayiste et homme politique Raphaël Glucksman.

S'adressant à Bernard Pivot, la réalisatrice Andréa Bescond ("Les Chatouilles", film sur la pédocriminalité inspiré de son enfance), a jugé qu'il aurait dû faire son "mea culpa". "Peut-être vouliez-vous dire : +Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la loi et le crime, il était temps que cela change, nous avons été des complices passifs, sans aucune morale, nous étions les produits d’une triste époque, nous aurions dû réagir, mea culpa+".

Sollicité jeudi via son éditeur, Gabriel Matzneff n'a pas souhaité répondre à l'AFP au sujet du livre de Vanessa Springora. Dans un message à l'Obs, il a fait part de sa "tristesse" au sujet d'un "ouvrage hostile, méchant, dénigrant".

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