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Bibliothèque humaniste de Sélestat: un nouvel écrin signé de l'architecte du Mucem

Collection exceptionnelle d'ouvrages précieux du Moyen-Age et du début de la Renaissance, la Bibliothèque humaniste de Sélestat (Bas-Rhin) rouvre ses portes samedi après quatre ans de fermeture pour travaux, dans un nouvel écrin très lumineux imaginé par l'architecte du Mucem de Marseille.

Des livres rares ouverts en éventail, qui s'exposent dans une salle reproduisant l'atelier d'un moine copiste : la Bibliothèque humaniste rénovée ne renie pas l'atmosphère studieuse qui doit présider à son objet, la conservation d'une collection rare constituée pour l'essentiel au XVIe siècle.

Mais elle introduit une discrète mise en scène afin de s'ouvrir à un public un peu plus large que celui des experts. "Nous souhaitons doubler la fréquentation qui se situait autour de 20.000 visiteurs par an avant les travaux", explique Benjamin Fendler, son directeur.

Pour relancer la fréquentation, la Ville de Sélestat a fait appel à une pointure de l'architecture, le Français Rudy Ricciotti, auteur du musée Mucem à Marseille.

Celui-ci a voulu remettre en valeur l'architecture romane religieuse qui avait inspiré la construction du très laïque bâtiment de la Bibliothèque, une halle aux blés du XIXe siècle. Ainsi, la charpente métallique de renforcement de la structure forme un ensemble de voûtes et le nouveau hall d'accueil dégage largement la vue vers l'agencement intérieur d'origine, comparable à une nef d'église.

Le projet immobilier, d'un montant de 14 millions d'euros, double la surface de la Bibliothèque. Il aménage un parvis d'entrée encadré par 25 piliers en grès des Vosges, évocateurs d'un livre.

"Cette réalisation, c'est surtout un immense puits de lumière", commente Patrice Dollé, directeur du service immobilier de la mairie.

- Mémoire du monde -

Le "tour de force" a consisté à rendre cet éclairage naturel "parfaitement compatible" avec une meilleure conservation dans le temps des précieuses collections, ce qui reste l'objectif premier des travaux entrepris depuis début 2016, observe-t-il.

L'ancienne halle aux blés abrite surtout le fonds rassemblé jusqu'en 1547 par une figure de l'humanisme : Beatus Rhenanus. Moins connu qu'Erasme dont il fut l'ami et l'éditeur posthume, cet enfant de Sélestat n'en joua pas moins un rôle-clé dans ce mouvement de renouveau intellectuel de l'Europe qui allait marquer le début de la Renaissance. Sélestat se situait à mi-chemin de ses deux phares, les Pays-Bas et l'Italie.

Avec la volonté de faire connaître les œuvres, un petit siècle après l'invention de l'imprimerie, Beatus Rhenanus constitua sa bibliothèque de 670 ouvrages manuscrits médiévaux, imprimés et lettres, qu'il légua à sa ville natale.

La collection de l'érudit local a été classée "mémoire du monde" par l'Unesco. Elle se complète du fonds de la bibliothèque paroissiale dont l'origine remonte à 1452 et s'est enrichie régulièrement depuis, pour totaliser 1.800 ouvrages.

Parmi ses chefs d'oeuvre, elle abrite un lectionnaire mérovingien du VIIe siècle, sa pièce la plus ancienne, une bible dite "de la Sorbonne" du XIIIe, un exemplaire de l'Eloge de la folie d'Erasme, l'Introduction à la Cosmographie de Ptolémée de 1507 qui contient la première mention de l'Amérique, ainsi que le cahier d'écolier de Beatus Rhenanus.

Ce document écrit en 1498 à l'âge de 13 ans entame le parcours de visite de l'exposition permanente. "Suivre les pas de Beatus Rhenanus durant sa vie nous a semblé la meilleure façon d'aider à appréhender l'univers particulier qui entoure la collection, imprégné d'écriture en latin et de tensions religieuses liées à l'émergence de la Réforme. Sa compréhension ne nous est pas facile en soi", reconnaît Benjamin Fendler.

Le parcours débouche sur un cube en verre qualifié de "trésor" car abritant les éléments les plus exceptionnels du fonds. Mais, sourit M. Fendler, "toute la Bibliothèque est un trésor en soi". Il a désormais trouvé son digne décor.

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