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Cannes: Zar Amir Ebrahimi, le sacre après "les humiliations"

Après un parcours difficile fait d'"humiliations", l'Iranienne Zar Amir Ebrahimi a accédé à la récompense suprême pour une actrice à Cannes, grâce à son rôle de journaliste pugnace dans le thriller "Les nuits de Mashhad", sur un serial killer de prostitués.

"Ce film parle des femmes, de leur corps. C'est un film rempli de haine, de mains, de pieds, de seins, de sexes, tout ce qu'il est impossible de montrer en Iran", a-t-elle déclaré, en recevant son prix.

Dans "Les nuits de Mashhad", thriller à la sauce David Fincher au pays des mollahs, le réalisateur Ali Abbasi s'inspire d'un retentissant fait divers, il y a une vingtaine d'années en Iran: il retrace le parcours de l'assassin de 16 prostituées, qui lors de son procès a clamé avoir voulu nettoyer du vice les rues de Mashhad, l'une des principales villes saintes du chiisme.

Au coeur du film, Zar Amir Ebrahimi incarne la journaliste qui tente de percer le mystère de ces meurtres.

Zar Amir Ebrahimi a grandi à Téhéran où elle a suivi des cours d’art dramatique. Elle s’est produite au théâtre et a tenu des rôles importants dans des téléfilms et des séries. Puis, elle s’est fait remarquer grâce à des sitcoms comme "Help Me" (2004) et "Nargess" (2007).

- "Ils voulaient m'effacer" -

Sa carrière a été brutalement interrompue en 2006 à cause d'un scandale sexuel. Scandale qui l'a poussée à quitter son pays pour la France.

"C'est une bonne histoire mais qui a comporté des humiliations malgré mon amour pour le cinéma. Il y avait beaucoup de solitude mais heureusement il y avait des films", a-t-elle déclaré en farsi, en revenant sur son parcours brisé, devant le public du Grand théâtre Lumière.

"Ils voulaient m'effacer de partout, du cinéma ... Ils voulaient qu'on ne me voit plus nulle part. Mais je suis là. C'est là notre pouvoir, le pouvoir des femmes. Si on croit en soi, on peut y arriver", a-t-elle déclaré lors de sa conférence de presse.

Et d'ajouter que l'Iran demeure "(s)on pays (...) Il y a seulement quelques personnes qui ont détruit ma vie".

Lorsqu'elle arrive à Paris, elle ne parle pas un mot de français. Elle l’apprend toute seule et enchaîne les petits boulots.

"Je ne connaissais rien au milieu du cinéma en France. Il n’y avait personne pour m’aider. J’ai mis deux, trois ans pour comprendre où j’étais", a-t-elle confié au journal Le Monde. Elle a remercié la France samedi soir, ce pays "exotique et paradoxal" qui "adore être malheureux".

Interrogée sur son exil, elle explique qu'il a aussi été "une renaissance". Une "chance" de "vivre une nouvelle vie (...) je souhaite ça pour tous les exilés du monde".

Dans "Les nuits de Mashhad", son personnage est aussi victime de discriminations sexistes.

"Je sais les difficultés que les femmes iraniennes rencontrent tous les jours", a-t-elle dit lors de la conférence de presse du film. "Plusieurs de mes amis journalistes et notamment des femmes ont quitté le pays juste après moi", dit celle qui a évoqué sur scène "sa soeur Golshifteh" Farahani, elle aussi Iranienne qui a quitté son pays et vit désormais en France.

Zar Amir Ebrahimi s’est produite au théâtre et a tenu des rôles dans des téléfilms et des séries. En Iran, les films dans lesquels elle joue ne sont pas projetés en raison de la censure gouvernementale.

Elle est connue pour avoir prêté sa voix au film d’animation "Téhéran Tabou" d'Ali Soozandeh (2017), présenté au festival de Cannes. Elle a remporté le prix d’interprétation au festival du film de Nice avec "Bride Price vs Democracy".

Elle a aussi joué dans "Demain nous serons libres" d'Hossein Pourseifi.

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