Accueil Actu

Cent ans après leur mort, l'Autriche célèbre les maîtres du "Modernisme viennois"

Une avalanche d'expos et de rétrospectives: l'Autriche ouvre une année d'hommages au Modernisme viennois, à l'occasion du centenaire de la mort de quatre des principales figures de ce mouvement qui a bousculé les beaux-arts, Gustav Klimt, Egon Schiele, Koloman Moser et Otto Wagner.

Plus d'une dizaine d'expositions sont programmées au cours de l'année dans la capitale autrichienne et en province pour célébrer l'âge d'or de l'art viennois, qui culmina au tournant 20e siècle.

Mondialement connu pour "Le Baiser" et les portraits de Klimt, aux cotes dépassant les centaines de millions de dollars, ainsi que pour les représentations érotiques de Schiele, le courant a également enfanté deux pères du design et de l'architecte modernes, Koloman Moser et Otto Wagner.

1897: Klimt et Moser claquent la porte de la Maison des artistes de Vienne et officialisent leur "Sécession", prônant un "art global" combinant peinture, design et architecture. Et créant le scandale avec notamment la représentation d'une sexualité crue.

Wagner --et son concurrent Adolf Loos-- conçoivent de leur côté à Vienne certains des bâtiments les plus avant-gardistes de leur temps, dont la Caisse d'épargne postale, aux ferronneries en aluminium, et l'église de Steinhof.

Quant au graphisme et au mobilier développés par Moser au sein des Wiener Werkstätte, ils trouvent "un écho mondial grâce à sa revue Ver sacrum", relève Elisabeth Leopold, dont le musée viennois a ouvert jeudi, avec "Vienne 1900", le bal des rétrospectives.

Inspiré dans un premier temps par l'Art nouveau, le Modernisme viennois s'inscrit dans un contexte de bouillonnement artistique également observé à Paris ou Munich. "Vienne n'a pas été précurseur en tout, mais elle en a fait quelque chose de particulier", relève l'historienne de l'art Alexandra Brauner.

- Pillé par les nazis -

Dans l'effervescence économique et intellectuelle d'un empire austro-hongrois à son apogée, le mouvement naît ainsi d'une "collision unique de toutes les formes d'art et de la science, jusqu'à la littérature avec Hofmannsthal, la musique atonale avec Schönberg, la psychanalyse avec Freud et même les sciences économiques avec Schumpeter", relève pour l'AFP Hans-Peter Wipplinger, directeur du musée Leopold.

Et s'il fait tousser à l'époque les tenants d'un art académique, le mouvement rencontre rapidement le succès chez "la nouvelle bourgeoisie très fortunée qui fait alors construire ses palais à Vienne et veut les meubler", souligne-t-il.

Dans l'atelier viennois où il travaille les dernières années de sa vie, Klimt veille d'ailleurs à ménager "deux entrées séparées, l'une pour ses modèles qui patientaient souvent très dénudés dans une antichambre, l'autre pour ses riches clientes", note Baris Alakus, le directeur du lieu.

Collectionnés à l'époque notamment par une élite juive, beaucoup de chefs d'oeuvres du mouvement ont fait par la suite l'objet de pillages nazis avant, pour certains, de revenir de façon controversée dans des collections publiques.

Adoptée en 1998 par le Parlement autrichien, une loi a permis la restitution progressive de quelque 10.000 oeuvres spoliées, dont cinq toiles de Klimt provenant de la collection Bloch-Bauer, revendues par la suite à New York en 2006 pour un montant total alors record de 328 millions de dollars.

Quand ils s'éteignent en 1918 -- Klimt le 6 février d'un infarctus cérébral à 55 ans, Wagner le 11 avril à 76 ans, Moser le 18 octobre d'un cancer à 50 ans et Schiele treize jours plus tard de la grippe espagnole à 28 ans--, les pères du mouvement sont eux-mêmes dépassés par les avant-gardes russe, française ou allemande.

Le peintre Oskar Kokoschka parti en Allemagne, il ne reste guère qu'Adolf Loos (1860-1933), très critique des dérives ornementales de la Sécession, dont il partage par ailleurs le goût pour la fonctionnalité, pour perpétuer le Modernisme viennois.

"Alors que ce courant s'adressait principalement à un public bourgeois, l'avènement de la République fin 1918 permet à Loos de le mettre au service de la population avec le programme unique au monde de construction de logements sociaux qu'il dirige à Vienne", relève Mme Brauner.

Le caractère provoquant d'un Schiele n'a cependant rien perdu de son actualité: une campagne d'affichage pour les commémorations viennoises a dû être amendée dans les métros de Londres et de Hambourg, les opérateurs ayant refusé que soient visibles les sexes représentés.

phs/roc

À lire aussi

Sélectionné pour vous