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Cent jours de mobilisation et une créativité intacte à Hong Kong

Chansons, chaînes humaines, spectacles laser... La longévité de la mobilisation à Hong Kong, qui en est lundi à son 100ème jour, s'explique aussi par la créativité surprenante des manifestants pro-démocratie.

L'ex-colonie britannique traverse depuis juin sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, avec des actions quasi quotidiennes pour dénoncer le recul des libertés et exiger des réformes démocratiques.

- "Sois comme l'eau" -

L'inventivité des manifestants pourrait se résumer à une formule de la star hongkongaise du kung fu Bruce Lee (1940-1973) reprise comme un letmotiv par le mouvement: "Be water" ("Sois comme l'eau"). Il faut être fluide, liquide, imprévisible, insaisissable, s'adapter.

Concrètement, il s'agit de rester mobile et de multiplier les lieux d'actions pour éprouver au maximum les capacités des forces de police.

Mais cela invite aussi à se montrer créatif dans les modes d'action pour déjouer les interdictions de manifester. Certains organisent des opérations de lèche-vitrine en masse, des pique-niques géants ou des rassemblements prétendument religieux.

Et c'est tout naturellement que l'on a pu trouver ce week-end, à l'occasion de la Fête de la mi-automne, des gâteaux de lune traditionnels non plus ornés d'idéogrammes chinois, mais tout simplement du slogan: "Be Water".

- En chantant -

Comme lors du "Mouvement des parapluies", en 2014, la musique est omniprésente.

Au début de la mobilisation, résonnait jusqu'à plus soif le cantique "Chante Alleluia au Seigneur", qui illustrait d'ailleurs le rôle clé joué par la communauté chrétienne dans la mobilisation.

Les manifestants aiment aussi reprendre "Do You Hear the People Sing?" ("A la volonté du peuple"), l'une des chansons les plus célèbres de la comédie musicale "Les Misérables".

Mais voilà deux semaines que la mobilisation semble s'être trouvée son hymne: "Gloire à Hong Kong", écrit par un compositeur anonyme et apparu sur YouTube le 31 août.

- Spectacle laser -

Les pointeurs lasers furent initialement utilisés en première ligne par les manifestants souhaitant indiquer la position des forces de l'ordre, perturber la surveillance par la police ou les dispositifs de reconnaissance faciale.

Leur emploi s'est généralisé quand un responsable étudiant arrêté avec dix lasers a été poursuivi pour possession d'arme.

Depuis, les manifestants organisent régulièrement des "spectacles laser" en marge des rassemblements, comme ils l'avaient fait début août en dirigeant leurs faisceaux sur le dôme du Musée de l'espace, à la pointe de la péninsule de Kowloon.

- Chaînes humaines -

Les premières se formèrent fin août pour le 30ème anniversaire de la célèbre "Baltic Way", chaîne que les habitants des pays baltes avaient organisée pour recouvrer leur indépendance en 1989.

L'initiative n'a cessé d'être rééditée, notamment par des lycéens qui y ont vu une façon de poursuivre la mobilisation après la rentrée.

- Lennon Walls -

C'est aussi un héritage du "Mouvement des parapluies". Nombre de passerelles et tunnels piétons sont ornés de post-it colorés, d'affiches, de lanternes et de slogans divers.

Ces "Lennon Walls" ("Murs de Lennon") sont inspirés de celui de Prague, un hommage tout en graffiti au légendaire ex-Beatles assassiné en 1980.

Quand au début de cette initiative des partisans du gouvernement sont allés arracher les oeuvres accrochées sur un de ces murs près du Parlement local, la riposte ne s'est pas faite attendre. D'autres "murs" sont apparus, et se sont multipliés dans toute la ville.

- L'art de la dissidence -

Peintures, calligraphies, sculptures, bandes dessinées, pochoirs... Des artistes semblent travailler 24 heures sur 24 à la production d'une oeuvre très riche et sans cesse renouvelée.

Ces créations se partagent de la plus moderne des façons sur les forums en ligne et se propagent de smartphones à smartphones via le bluetooth ou la fonctionnalité Airdrop.

Elles sont aussi, à l'ancienne, reproduites sur des tracts distribués dans le métro ou affichées sur les "Murs de Lennon", qui constituent eux-mêmes une oeuvre de dissidence en évolution perpétuelle.

- Le rendez-vous de 22H00 -

"Libérez Hong Kong!", "La révolution maintenant!"... C'est devenu un rendez-vous quotidien qui, notamment dans les quartiers résidentiels, vient briser le silence de la nuit.

A 22H00 pile, des militants pro-démocratie sortent sur leur balcon ou passent la tête de leur fenêtre, pour scander des slogans, dans des "battles" nocturnes qui se font écho entre gratte-ciel.

Cette action s'inspire des bruyants "cacerolazos" en Amérique latine, quand l'opposition signifie son mécontentement en tapant sur des casseroles.

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