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Dans un documentaire, le calvaire des Salvadoriennes condamnées pour fausse couche

Elle a passé 10 ans derrière les barreaux pour une fausse couche: la Salvadorienne Teodora Vasquez est une des protagonistes d'un documentaire qui revient sur le calvaire des femmes condamnées dans ce pays à de lourdes peines de prison pour avoir simplement perdu leur bébé.

Réalisé par la cinéaste suédoise et salvadorienne Celina Escher, le documentaire de 90 minutes s'intitule "Volar lejos" (Voler loin) car "après avoir passé tant de temps enfermée, je peux voler, je peux aller loin", explique à l'AFP Teodora Vasquez, 36 ans.

Le film suit quelques-unes de ces femmes au destin broyé par l'implaccable loi-anti IVG salvadorienne, qui est une des plus strictes au monde. Il sera présenté en avant-première le 19 septembre en Suède, avant une tournée internationale, en présence de la jeune femme.

Teodora Vasquez était enceinte de près de neuf mois quand elle avait appelé les urgences le 14 juillet 2007 depuis les toilettes du collège de San Salvador où elle était employée.

N'obtenant pas de réponse, elle avait été victime d'une grave hémorragie et son bébé était mort-né. En découvrant le cadavre, un autre employé du collège avait prévenu la police et la jeune femme, encore inconsciente, avait été arrêtée.

"Imaginez que vous êtes enceinte. Vous en êtes au neuvième mois de grossesse. Vous ressentez une intense douleur. Vous vous évanouissez. Quand vous vous réveillez à l'hôpital, vous êtes entourée de policiers. Ils vous accusent d'avoir tué votre enfant...", explique la documentariste dans son avant-propos.

Le code pénal salvadorien prévoit officiellement une peine de deux à huit ans de prison pour les cas d'avortement, mais dans les faits, les juges considèrent l'avortement ou la perte du bébé comme un "homicide aggravé", puni de 30 à 50 ans de réclusion.

Condamnée en 2008 à 30 ans de prison pour la perte de son bébé, Teodora Vasquez avait vu sa peine confirmée en 2017, une décision qui avait fait grand bruit. Plusieurs organismes internationaux, comme Amnesty International, avaient apporté leur soutien à la jeune femme qui a toujours clamé son innoncence.

L'année suivante, le Tribunal suprême et le ministère de la Justice avaient finalement décidé de commuer sa peine. Elle a été libérée le 15 février 2018.

- Stigmatisation -

La réalisatrice a commencé à tourner en 2017 dans la prison pour femmes d'Ilopango, à l'est de la capitale San Salvador, qui compte 2.229 détenues pour une capacité de 1.200.

Le film montre Teodora emprisonnée, puis dans sa nouvelle vie, après sa libération, et notamment ses efforts pour se réinsérer, malgré la stigmatisation et la discrimination qui frappent les anciennes détenues.

En prison, Teodora, issue d'un milieu modeste, a fini ses études primaires et secondaires, a obtenu de nombreux diplômes dans des domaines différents. Elle est aujourd'hui une fervente militante des droits des femmes.

Elle est notamment à la tête d'un projet qui vient en aide aux anciennes détenues: aide médicale, soutien psychologique, assistance juridique, activités culturelles et aides pour trouver un emploi.

Car avoir un casier judiciaire réduit drastiquement les chances de ces femmes de trouver un travail.

"Bien que nous ayons recouvré notre liberté, la société continue de nous stigmatiser et de nous discriminer", déplore Teodora Vasquez, qui les encourage à monter leur propre affaire.

Au cours des derniers mois, cinq femmes condamnées pour des cas similaires à celui de Teodora ont été remises en liberté. Mais 16 autres sont toujours emprisonnées après avoir perdu leur bébé.

"Même si ces 16 femmes sont libérées, nous allons poursuivre la lutte car nous ne voulons pas que les générations futures se retrouvent en prison pour un problème obstétrique comme cela nous est arrivé", avertit Teodora Vasquez, récompensée par le prix suédois Per Anger pour sa lutte en faveur des droits des femmes.

La sévérité de la législation salvadorienne avait connu un écho international dès 2013 avec le cas de la jeune Beatriz, 22 ans, qui n'avait pas été autorisée à avorter d'un fœtus dépourvu de cerveau.

Après une intervention de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, l'Etat avait finalement autorisé qu'on lui pratique une césarienne. Le nouveau-né était décédé au bout de quelques heures.

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