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Danse et harcèlement moral: "il faut dialoguer", selon Brigitte Lefèvre

Pour progresser sur la question du harcèlement moral qui agite le milieu de la danse, Brigitte Lefèvre, qui a dirigé pendant près de 20 ans le ballet de l'Opéra de Paris, en appelle à renforcer le "dialogue" entre maîtres de ballet et danseurs.

"Il faut communiquer", résume dans un entretien à l'AFP celle qui a récemment obtenu le prestigieux prix italien Positano pour l'ensemble de sa carrière.

Brigitte Lefèvre a dirigé le ballet de l'Opéra de Paris pendant près de 20 ans, avant d'être remplacée en 2014 par Benjamin Millepied qui a lui-même jeté l'éponge un an plus tard, laissant la place à Aurélie Dupont, la danseuse étoile la plus connue sous son mandat.

L'Opéra a été secoué l'été dernier par la fuite dans la presse d'un sondage interne où les danseurs se plaignaient du manque du dialogue de la direction mais aussi de remarques désobligeantes ou infantilisantes de professeurs.

Ailleurs dans le monde, plusieurs danseurs d'autres compagnies internationales, comme par exemple l'English National Ballet, se sont exprimés dans les médias pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme du harcèlement moral.

"Ça m'est arrivé de dire des choses à des danseurs et des danseuses qui me disaient qu'ils n'étaient pas d'accord. Il ne faut pas s'en offusquer, il faut essayer de comprendre", affirme Mme Lefèvre.

"Une fois, deux garçons pas spécialement fans de danse sont venus assister à une répétition. Une fille n'arrêtait pas de se tromper, alors à un moment donné, le maître de ballet lui dit +tu arrêtes maintenant, t'es nulle+. Le garçon m'a regardée et m'a demandée +vous trouvez vraiment qu'elle est nulle?", se souvient-elle.

- "Ne pas minimiser" -

"J'ai expliqué que c'est une manière de dire que +ça ne va pas+, pour aller plus vite. Il y a des moments où l'on force un peu. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas progresser sur les usages comportementaux entre le professeur et le danseur", ajoute-t-elle.

Celle qui a été admise à l'école de ballet de l'Opéra à l'âge de sept ans dit n'avoir jamais été choquée par "les traditions anciennes, les ordres stricts".

"Mais il ne faut pas faut pas minimiser le problème", reconnaît-elle.

A 73 ans, Mme Lefèvre est à la tête de l'Orchestre de chambre de Paris, de la Comédie de Clermont-Ferrand et du Festival de danse de Cannes et regarde le passé sans regrets.

Même si elle confie avoir été blessée à son départ par les critiques de son jeune successeur, Benjamin Millepied.

"J'ai été surprise de voir que, quand on s'en va et que d'autres personnes arrivent, c'est comme si tout ce que vous avez fait n'a pas existé. Cela a été le plus dur pour moi", dit-elle. "J'entendais parler de l'Opéra comme une vieille institution +poussiéreuse+".

"Ça peut paraître pompeux, mais j'ai fait entrer le ballet de l'Opéra de Paris dans le 21e siècle, avec de grands artistes que j'ai accompagnés, de grands chorégraphes et de jeunes chorégraphes", estime Mme Lefèvre.

Elle avait ainsi ouvert les portes de l'ONP à Angelin Preljocaj, la légende Pina Bausch ou encore aux Américains Carolyn Carlson et John Neumeier.

Le prix Positano, le plus ancien au monde dédié à l'art de la danse, a récompensé dans le passé des légendes de cet art comme Rudolf Noureev, Maurice Béjart ou encore Margot Fonteyn.

Un prix que Mme Lefèvre accueille donc avec fierté: "C'est un plaisir, un honneur de voir des gens du milieu reconnaître le travail qui a été fait."

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