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Danse: Hugo Marchand, de l'or en barre

Face au miroir, il étire ses muscles à la limite du raisonnable, pointes ultra fléchies sur la barre. Hugo Marchand, danseur étoile à l'Opéra de Paris au profil athlétique atypique, malmène son corps tel un champion pour livrer une performance intense et puissante.

"Les grands ballets classiques, comme ce que je suis en train de danser en ce moment à l'Opéra Bastille, le Lac des Cygnes, ça paraît évidemment cucul. Le nom, on se dit: un prince en collant. Mais en fait physiquement c'est très, très dur", raconte à l'AFP Hugo Marchand, exténué par les représentations qui se terminent dimanche.

"Ca dure 3 heures durant lesquelles on est sur scène constamment à enchaîner des variations toniques, entre moments de solo où on saute et moments où on danse avec une partenaire de 55 kg qu'on soulève au dessus de sa tête plusieurs fois. Je pourrais le comparer à une course de fond avec des moments de sprints".

A 25 ans, Hugo Marchand, nommé danseur étoile en 2017, vit sa vie comme un sportif de haut niveau, avec ce corps qu'il n'a pas choisi (il mesure 1,92 m), "plutôt très musclé et athlétique", et dont il cherche à faire "une marque de fabrique, un atout".

Tous les matins, le danseur s'astreint à 45 minutes d'étirements avant d'enchaîner sur un cours de danse d'une heure trente. A cela s'ajoutent des exercices de gainage et un travail de préparation physique avec un kiné dans l'après-midi.

- Décomposition osseuse -

"Ce n'est pas du sport parce que c'est un art, mais c'est une préparation comparable aux sportifs de haut niveau", souligne Hugo Marchand, qui s'est adjoint les services de l'ancien kiné du perchiste champion olympique Renaud Lavillenie.

Depuis tout petit, il a façonné ce corps pour jouer avec les limites du possible et exceller dans son art.

"On demande au corps des positions franchement antinomiques. On cherche à tourner les hanches en dehors, des extensions de genoux, des amplitudes de souplesse hyper grandes. Et puis le travail des pieds. C'est horrible ce que je vais dire, mais c'est un travail de décomposition osseuse", confie-t-il.

"Certains naissent avec les hanches dans le bon sens et les pieds tendus, ce n'était pas mon cas. Avec un travail acharné, j'ai réussi à changer la forme de mon corps".

Ce corps, c'est bien ce qu’il a de plus de précieux dans la vie. Il en a pris toute la mesure l'année dernière en se blessant par deux fois au pied parce qu'il avait poussé trop la machine.

"Sans mon corps, je n'ai plus de travail. Je ne suis plus danseur étoile, je perd beaucoup de choses dans ma vie quand mon corps est blessé".

- Dopage naturel -

"Ce corps, on lui en demande beaucoup, il y a des jours où on ne l'aime pas. Dans la danse, il y a une notion de l'esthétisme que le sportif n'a pas forcément. C'est un peu ça le problème de la danse, on nous demande de plus en plus une technique athlétique, explosive et d'être le plus élégant possible", relève-t-il.

"On est moulé dans des choses très près du corps, on passe parfois des journées entières devant la glace. Je pense que très peu de gens accepteraient de se voir mouler toute la journée".

Beauté, efficacité et capacité à livrer également une performance forte émotionnellement le jour J: Hugo Marchand navigue entre toutes ces variantes.

"C'est appréhender son adrénaline, tout ce dopage naturel que le corps fait pour réaliser une super performance. On va avoir des hormones de plaisir ou d'angoisse, il faut réussir à jongler avec", explique-t-il.

Dimanche, quand il sera le Prince pour la dernière fois, il y aura "un petit deuil à faire. Enlever son costume, son maquillage, se doucher et laisser tout derrière soi, une manière de se purifier pour sortir et respirer".

"C'est un métier passion. Si on ne vit pas d'autres choses, on étouffe et on devient dingue", glisse Hugo Marchand, qui prendra sa retraite à 42 ans.

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