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Découvrir la collection secrète de Monet à Marmottan

Renoir, Cézanne, Boudin, Caillebotte: Monet était un collectionneur secret et déterminé qui achetait des œuvres souvent éloignées de sa peinture, comme le montre une exposition au Musée Marmottan, fruit d'une minutieuse enquête de 4 ans.

"Je suis un égoïste. Ma collection est pour moi seul... et pour quelques amis", déclare Monet vers 1900 à des journalistes en visite dans sa propriété de Giverny (Eure). Certains d'entre eux ont le privilège de découvrir les oeuvres réunies par le peintre qui raconte parfois les circonstances de leur acquisition.

Malgré ces témoignages, "on savait fort peu de choses de cette collection", souligne Marianne Mathieu, commissaire de l'exposition avec Dominique Lobstein (du 14 septembre au 14 janvier). Lorsque Monet meurt en 1926, un inventaire a bien été établi par des experts du marchand Bernheim, mais ce document a été détruit pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Il fallait donc repartir à zéro. Pour reconstituer la collection, les deux historiens d'art ont sollicité toutes les sources documentaires possibles : catalogues, procès verbaux de vente, inventaires, correspondances, livres de stock de certaines galeries....

"Nous avons constitué une première liste que nous avons passée aux rayons X" pour arriver à un total de 120 oeuvres environ, dit Marianne Mathieu. Un travail de fourmi qui a aussi permis d'établir une chronologie et "mettre en perspective la constitution de la collection avec la vie de Monet".

Au début de sa carrière, Monet n'a pas les moyens d'acheter des oeuvres, mais il reçoit des tableaux d'amis artistes. Il est très réticent à être représenté avec sa femme Camille. Le seul à faire le portrait du couple sera Manet. Un tableau qui semble inachevé où le visage de Monet est barbouillé et qu'il gardera pourtant toute sa vie.

Après le temps des cadeaux, va venir celui des échanges. Très proche de Berthe Morisot, Monet lui offre en 1884 un somptueux paysage italien, "Les villas à Bordighera", pour la maison qu'elle vient de faire construire. Après la mort de Berthe Morisot en 1895, sa fille Julie Manet, respectant les volontés de sa mère, propose à Monet de choisir un tableau parmi les 300 numéros d'une rétrospective. Il porte son dévolu sur "Julie Manet et sa levrette Laërte".

Avec Pissaro, la situation est plus tendue. Monet prête 15.000 francs au couple pour acheter une maison, à Eragny. Mais en échange il réclame "Paysannes plantant des rames", très apprécié par les critiques de l'époque. Seul problème : Pissaro en a fait cadeau à sa femme Julie qui refuse énergiquement de la céder. Monet s'obstine et finit par obtenir gain de cause.

Un entêtement d'autant plus surprenant que "Paysannes..." est une oeuvre néo-impressionniste, à la manière d'un Seurat ou d'un Signac, courant avec lequel Monet a refusé d'exposer. "Un exemple de dichotomie entre ses propos et ce qu'il collectionne", remarque Marianne Mathieu.

- Le 'Nègre Scipion' venu du Brésil -

Lorsque Monet commence à avoir les moyens de ses goûts,souligne la commissaire, également adjointe au directeur de Marmottan, les première oeuvres qu'il acquiert, ce sont "ses maîtres". Il n'a pourtant reconnu leur influence qu'au soir de sa vie.

Passant toujours par les ventes aux enchères ou les marchands, il achète ainsi Eugène Boudin, des paysages de Delacroix ("Falaises près de Dieppe"), ou de Corot ("Aricci, Palais Chigi), pour lequel il était prêt à débourser la somme conséquente de 5.000 francs.

Mais à partir des années 1890, ses achats se portent avant tout sur Renoir et Cézanne, deux artistes aux conceptions pourtant très différentes de la peinture mais les plus représentés dans sa collection.

De Renoir, le créateur de Giverny va acheter des nus, genre que lui-même n'a jamais abordé, mais aussi des toiles orientalisantes, notamment "La Mosquée. Fête arabe", une toile de 1881 qu'il n'hésite pas à payer 10.000 francs.

Son premier coup de coeur pour Cézanne est "Le Nègre Scipion", prêté exceptionnellement par le musée des beaux arts de Sao Paulo. Suivra "Neige fondante à Fontainebleau" pour 6.750 francs, un moyen de soutenir la cote de Cézanne, dont il réunira 12 oeuvres au total.

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