Accueil Actu

Desplechin: "Heureusement, j'ai une vie plus ennuyeuse que mes personnages !"

"Heureusement, j'ai une vie plus ennuyeuse que mes personnages !": premier Français lancé vendredi dans la course à la Palme d'Or, avec "Frère et Soeur", Arnaud Desplechin revient pour l'AFP sur son inépuisable source d'inspiration: la famille et ses traumas.

Après "Rois et Reine" et "Un Conte de Noël", le cinéaste retrouve Roubaix et la famille Vuillard, au coeur de sa filmographie avec un frère, Louis, et une soeur, Alice, interprétés par Marion Cotillard et Melvil Poupaud, qui se vouent une haine sans borne.

Lui est un écrivain au succès tardif, qui a réglé ses comptes avec sa famille dans ses livres et s'est retiré du monde après la mort de son enfant, elle est une comédienne très demandée, fâchée à mort avec son frère, au point d'être physiquement incapable de se retrouver dans la même pièce que lui. Jusqu'à la mort accidentelle de leurs parents.

Issu d'une fratrie de créateurs, avec une soeur écrivain, Marie, et une autre scénariste, Raphaëlle, Arnaud Desplechin a-t-il puisé dans son expérience ?

"On a des rapports normaux", explique-t-il à l'AFP, tout en reconnaissant que les relations entre frères et soeurs sont par nature "toujours compliqués".

"Je suis assez ennuyeux, je vis comme un ours... J'ai une famille tout à fait normale... Est-ce que je dois le regretter ? Non, je m'en réjouis", poursuit-il.

C'est pour autant bien dans le terreau familial que ce spécialiste du huis clos amoureux et familial puise une partie de son inspiration: "quand vous grattez, vous vous souvenez de la colère que vous avez pu avoir à cinq ans" contre un frère ou une soeur".

- "Sentiments cauchemardesques" -

"Au fond de moi, à l'intérieur de moi, je me dis +si j'avais des sentiments vraiment cauchemardesques avec une des mes soeurs, ça donnerait quoi ? Alors vous ajoutez des couches et puis ça donne des personnages +bigger than life+ (plus grands que la vie). Mais moi, j'ai bien peur d'être à la taille de la vie".

Dans le film, "hanté par des motifs très sombres de deuil" et dans lequel, "plus que jamais" Desplechin reconnaît avoir exorcisé ses peurs, c'est la mort des parents qui précipite les évènements, forçant les personnages interprétés par Marion Cotillard et Melvil Poupaud à se confronter.

"J'étais horriblement malheureux de filmer ça", raconte Arnaud Desplechin à propos de la scène d'accident de voiture. "J'ai la chance, à mon grand âge (61 ans, ndlr) d'avoir encore mes parents en vie. Mais je me disais, dans ce film-là, il faut que je me confronte à des choses qui me terrifient. Il faut que j'apprenne dans la fiction ce que c'est de perdre ses parents".

Irrigué par ces peurs et ces expériences, Desplechin tente de transmettre cet état d'esprit à ses acteurs, confirment Marion Cotillard et Melvil Poupaud.

"Arnaud sait mettre les gens dans un état particulier", confie ce dernier: "J'étais très excité à l'idée de tourner avec Marion, mais je sentais sur le tournage, ou même dans les coulisses, qu'il y avait un truc qui se jouait et qui nous dépassait, nous acteurs".

"Généralement, quand on tourne dans les films, on peut avoir une proximité entre acteurs, parler de tout et de rien... Mais là, l'idée c'était de mettre une distance, de ne pas rentrer dans quelque chose de familier", complète Marion Cotillard. "A la fin du film, j'ai eu besoin de dire à Melvil que je l'aimais beaucoup, et que la distance et la froideur que j'ai pu mettre, était quelque chose de nécessaire" uniquement pour le film, tient-elle à préciser.

À lire aussi

Sélectionné pour vous