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En France, son "chez lui", Bob Wilson fête 50 ans de scène

Qu'est-ce qui fait courir Bob Wilson? Le prolifique maître américain de la scène fête bientôt ses 80 ans, avec pas moins de quatre oeuvres en France, le pays qui l'a lancé à l'international il y a un demi-siècle.

Depuis les années 70, Robert, ou Bob Wilson, a marqué le théâtre et l'opéra avec une esthétique extrêmement épurée, un langage corporel codifié, fortement influencé par les formes théâtrales asiatiques et un jeu de lumières évoquant souvent un monde onirique.

Très sollicité sur de nombreuses scènes européennes, il fait partie de ces artistes américains plus aimés en France que dans leur propre pays.

Le 4 octobre, "je vais avoir 80 ans et je présente en France quatre évènements. Pas un seul aux Etats-Unis. Les Français m'ont donné un +chez moi+", raconte-t-il à l'AFP lors d'un entretien à Paris.

A la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, il crée avec la chorégraphe Lucinda Childs et la violoniste Jennifer Koh "Bach 6 solo" un spectacle commandé par le Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d'Automne, qui a été à l'origine de sa percée en France il y a 50 ans.

Il reprend également la pièce "I was sitting on my Patio this guy appeared I thought I was hallucinating", créé il y a 44 ans, en réaction à la scène artistique à New York.

Il met par ailleurs en scène le succès jeune public "Jungle Book" au Théâtre du Châtelet et il est attendu pour une nouvelle production de "Turandot" à l'Opéra Bastille, où il avait déjà monté une version d'un autre opéra de Puccini, "Madame Butterfly".

- Encensé par Aragon -

Il rappelle que lui, "un Texan", avait monté le spectacle d'inauguration de l'Opéra Bastille en 1989 et que Michel Guy, directeur historique du Festival d'Automne, qui fête cette année ses 50 ans, lui avait commandé son oeuvre la plus emblématique, "Einstein on The Beach" (1976).

"Je ne peux pas imaginer le gouvernement américain commander un opéra à un Français (...) on est tellement provinciaux!", s'exclame-t-il.

L'histoire d'amour avec la France commence avec "Le regard du sourd", son premier succès, un spectacle "silencieux" de sept heures présenté au festival de Nancy en 1971, puis à Paris. Il lui vaut rien moins qu'une citation d'Aragon qui, bouleversé, écrit "je n'ai jamais rien vu de plus beau en ce monde depuis que j'y suis né".

Le spectacle est né d'un incident fondateur : en 1967, il voit un adolescent noir de 13 ans, Raymond Andrews, se faire tabasser dans la rue par un policier. Il se rend compte que l'enfant est sourd-muet : il finit par l'adopter.

- "Le dernier de la classe" -

Le centre Watermill qu'il a créé près de New York, vient de clore une grande exposition à Minneapolis en hommage à George Floyd.

Wilson, également plasticien, a multiplié les collaborations : le chorégraphe Andy de Groat, Tom Waits, Isabelle Huppert pour "Orlando" de Virginia Woolf, Lady Gaga pour des portraits vidéos d'elle au Louvre ou encore la légende du ballet Mikhaïl Barychnikov.

Sans oublier une quinzaine d'opéras montés de Paris à la Scala de Milan.

Pourtant, ce fils d'un avocat qui a étudié les beaux-arts et l'architecture n'était pas prédestiné au théâtre.

Au Texas, "j'ai grandi au sein d'une communauté où le théâtre était considéré comme immoral", se rappelle-t-il. Dès l'âge de 12 ans il joue ses propres pièces dans le garage familial mais à l'école, il se souvient être toujours "le dernier de la classe".

Il sera guéri d'un grave problème de bégaiement grâce à un psychothérapeute qui travaillait avec la danse.

A la vingtaine, il atterrit à New York, mais déteste ce qu'il voit au théâtre et se rapproche instinctivement de l'avant-garde américaine : Andy Warhol, John Cage ou les légendaires chorégraphes George Balanchine et surtout Martha Graham.

C'est elle qui le pousse à s'accrocher, quand il lui lâche : "Je ne fais rien de bien". Si ses créations ne font pas l'unanimité, il ne s'en émeut pas. "Neuf fois sur dix, on se dit ça ne marche pas, mais il faut aller de l'avant".

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