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Facebook conteste avoir censuré "L'Origine du monde"

Le géant américain Facebook a contesté jeudi à Paris avoir censuré un internaute français qui lui reproche d'avoir fermé son compte pour avoir publié une photo du tableau "L'Origine du monde" représentant un sexe féminin.

"Facebook, c'est un peu comme Tartuffe: cachez ce sein, ce sexe que je ne saurais voir", a lancé à la presse l'un des avocats du plaignant Me Stéphane Cottineau, en se réjouissant que l'on puisse enfin débattre, après six ans de procédures, "de la différence entre nudité, pornographie et oeuvre d'art".

Mais le débat attendu n'a finalement pas eu lieu. Facebook a contesté à l'audience devant le tribunal de grande instance avoir exercé la moindre "censure" et plaidé la non-recevabilité de son assignation.

Le plaignant, Frédéric Durand, un professeur des écoles, reproche au réseau social d'avoir désactivé son compte personnel, "sans préavis ni justificatif", le 27 février 2011.

La coupure serait intervenue quelques heures après la publication sur son mur du célèbre tableau de Courbet, une photo qui renvoyait à un lien permettant de visionner un reportage sur l'histoire de cette oeuvre, aujourd'hui exposée au musée d'Orsay.

Quelques jours plus tôt, la même mésaventure était arrivé à un artiste danois, Frode Steinicke. Facebook avait alors expliqué que ses règles interdisaient entre autre la nudité, mais avait fini par réactiver le compte danois, sans le tableau litigieux.

L'enseignant demande au tribunal de reconnaitre la "censure", d'ordonner la réactivation de son compte et de lui accorder 20.000 euros de dommages et intérêts.

"Nous n'avons commis aucune faute, occasionné aucun préjudice", a affirmé à l'audience Me Caroline Lyannaz, l'une des avocates de Facebook, selon qui le plaignant "n'a pas apporté la preuve d'un lien entre cette déconnexion et la publication de l'oeuvre de Gustave Courbet". Sa consoeur Clara Hainsdorf a évoqué "un simple litige de nature contractuelle".

- 'Pseudonyme' -

Les deux avocates ont plaidé la nullité de la procédure expliquant que le plaignant avait assigné à tort Facebook inc (USA) au lieu de Facebook Irlande et estimé que l'affaire relevait de la loi californienne.

La cour d'appel de Paris a pourtant confirmé en février 2016 la compétence de la justice française pour juger le réseau social dans ce dossier.

Sans plaider le fond de l'affaire, les deux avocates ont souligné que le plaignant a utilisé pour ouvrir son compte un pseudonyme, "ce qui est prohibé par Facebook". Elles n'ont toutefois pas affirmé que le compte avait été fermé pour cette raison.

Les avocates ont également expliqué qu'après la fermeture du premier compte, le professeur en a ouvert un second avec un autre pseudonyme, sur lequel a été postée la photo de "L'Origine du monde" et qui est toujours actif. Elles n'ont toutefois pas expliqué pourquoi le second compte, ouvert avec un pseudonyme, n'a pas été fermé.

Selon Facebook, il serait impossible aujourd'hui de réactiver le compte supprimé, les données n'étant conservées que 90 jours. Jugeant la procédure abusive, il réclame un euro symbolique pour atteinte à son image.

Dans leurs plaidoiries, les avocats de l'internaute ont dit leur frustration: "Aujourd'hui encore, on ne nous répond pas", ont-il dénoncé.

"L'utilisation d'un pseudonyme est un droit reconnu par la jurisprudence et Facebook n'a pas refusé l'inscription de notre client alors qu'il ne pouvait ignorer que le nom utilisé, "Fred la face de Fredb", était un pseudonyme, a souligné Me Stéphane Cottineau.

"La désactivation du compte, deux ans et demi après son ouverture et juste après la publication de l'Origine du monde ne peut être un hasard", a-t-il fait valoir en rappelant que, depuis le début de l'affaire "Facebook a modifié ses règles de modération".

Dans la charte de sa communauté, Facebook autorise aujourd'hui "les photos de peintures, sculptures et autres œuvres d'art illustrant des personnages nus", ce qui, selon l'avocat, n'était pas le cas en 2011.

"L'Origine du monde est un tableau extrêmement significatif qui a parfaitement sa place sur Facebook", a confirmé à l'AFP Delphine Reyre, directrice des Affaires Publiques Europe de Facebook.

Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 15 mars.

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