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Festival d'Angoulême: "Edmond", quand la caméra dit son amour au théâtre de Cyrano

"Pièce préférée" des Français, plus grand triomphe du répertoire, "Cyrano de Bergerac", ou plutôt l'histoire de sa pénible gestation dans l'esprit d'Edmond Rostand en 1897, revient au cinéma avec "Edmond" d'Alexis Michalik, "déclaration d'amour" au théatre, présenté au Festival du film francophone d'Angoulême.

Lors de son avant-première hors compétition, le public du Festival du film francophone d'Angoulême a ovationné ce film (sortie le 9 janvier), "déclaration d'amour" au théatre et adaptation de sa pièce au succès non démenti depuis deux ans.

Paris, 1895. Le jeune Edmond Rostand, n'a rien écrit depuis deux ans, et sort d'un "four" avec une tragédie. Il va se mettre à écrire une comédie héroïque improbable, en alexandrins et longues tirades, pour le comédien géant d'alors, Coquelin, lui aussi aux abois. Contre toute attente, la pièce s'avère un succès instantané et historique, à contrecourant des goûts dominants de l'époque.

"Cyrano", pour sa première en décembre 1897, fera 40 rappels, Rostand sera décoré illico de la Légion d'Honneur, la pièce jouée plus de 20.000 fois au siècle suivant, le XXe. "Un chef d'oeuvre, la plus grande success story du théâtre français, la dernière grande superproduction théâtrale, alors qu'arrive le cinéma, qui va fermer des théâtres...", s'émerveille à Angoulême Michalik. Très tôt, depuis 10 ans, il voulait faire du "making of" de Cyrano "un film avant de faire une pièce".

Inspiré par le film "Shakespeare in Love" (1998) sur la création de Roméo et Juliette, puis venu à Cyrano par le théâtre, Michalik, 35 ans, rêvait d'"un grand film en costumes, un truc qui célèbre l'amour que je peux avoir pour le thêâtre, et un hommage aux sagas, aux grands films d'antan, les +Autant en emporte de vent+, le cinéma de Billy Wilder, qui sont ma galaxie", explique-t-il à l'AFP.

La fresque dut attendre. Faute de financiers, le metteur en scène révélé avec "Le Porteur d'histoire" (2012) fera d'abord d'"Edmond" une pièce peuplée, colorée, virevoltante, un "vrai show" comme il les aime. Présentée au Palais-Royal en 2016, elle a tout balayé: cinq Molières, succès ininterrompu depuis (deux troupes en cours, à Paris et en tournée).

-Cyrano, "vilain petit canard"éternel-

Le succès aidant, le budget - "plusieurs millions d'euros" - permettant, Edmond trouve enfin sa place à l'écran, "un mélange des genres", dans lequel le réalisateur sourit d'ailleurs du clin d'oeil à Cyrano: "pas un biopic, non, un récit historique mais pas vraiment, une comédie romantique mais pas que, une comédie mais pas que, une tragicomédie mais pas vraiment..."

Comme la pièce, l'"Edmond" filmé est enlevé, en tempo, une quête de rythme assumée par Michalik qui aime que les choses "swinguent". Et qui goûte le plaisir cinématographique des scènes en extérieur, des figurants, des grues, de "pouvoir montrer, là ou le théâtre suggère", mais conserve un "esprit de troupe" de théâtre, palpable à l'écran.

Le Belge Olivier Gourmet (nommé au César du meilleur acteur en 2012 et 2014) dit assumer "l'ogre, l'hyperactif", le "gargantuesque" mais aussi "l'artistique" Coquelin, dans un délicat "jeu dans le jeu: faire Coquelin qui joue Cyrano".

Thomas Solivérès (Spirou du récent "Spirou et Fantasio"), à l'âge ou presque d'Edmond à l'époque (29 ans), donne ses traits juvéniles à un Rostand dont il avoue s'être senti "proche" dans "les doutes, les questionnements, le manque de confiance".

Mathilde Seigner, Clémentine Célarié, Dominique Pinon complètent, avec des visages moins connus du grand public comme Lucie Boujenah ou Tom Leeb, un casting éclectique dans ce conte atypique sur la création.

Conte à travers les affres de l'écriture, de l'inspiration, le rôle des muses ,"Edmond" visite le mystère de ce qui fait un "classique", un personnage éternel, Cyrano.

"Loser magnifique", "héros français par excellence", comme suggère Michalik ? "Vilain petit canard qu'on est tous en nous, quelque part", au "regard profondément actuel sur l'injustice, le superficiel", comme médite Olivier Gourmet ? En tout cas, objet de rappels sans fin, 121 ans après.

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