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Fillettes "mariées trop jeunes": les portraits sensibles de Stephanie Sinclair à la Défense

Pour sa première exposition, la Grande Arche de la Défense met à l'honneur le travail de la photojournaliste américaine Stephanie Sinclair, qui livre depuis 15 ans des clichés sensibles de jeunes filles "mariées trop jeunes", témoignant du fléau des mariages forcés dans le monde.

Il y a le regard embué de l'Indienne Rajni, 5 ans, réveillée au petit matin pour être mariée, le vide dans les yeux de Niruta, 14 ans, le jour de son mariage au Népal, ou la peur sur le visage de Gulham, 11 ans, posant en Afghanistan à côté de son mari de 40 ans.

Jusqu'au 24 septembre, "l'Arche du photojournalisme", nouvel espace de 1.200 m² situé sur le toit de la Grande Arche de la Défense, consacre son exposition inaugurale à la photoreporter de 44 ans Stephanie Sinclair, engagée contre les mariages forcés.

Baptisée "Too young to wed - Mariées trop jeunes", elle se compose de 175 clichés, dont 115 jamais exposés, choisis par le directeur artistique du lieu, Jean-François Leroy, cofondateur du festival de photojournalisme Visa pour l'image de Perpignan.

Dès l'entrée, les chiffres sont éloquents: toutes les deux secondes, une jeune fille est mariée contre son gré, soit 39.000 chaque jour dans plus de 50 pays.

"Le mariage forcé est une problématique universelle. Le travail de Stephanie est intelligent et indispensable, c'était scandaleux de ne l'avoir jamais montré à Paris", dit à l'AFP M. Leroy, qui suit son travail depuis douze ans et l'a déjà exposé à deux reprises à Perpignan.

- Mariage au petit matin -

L'Américaine, qui a notamment collaboré avec le New York Times magazine ou National Geographic et a reçu de nombreux prix, a commencé ce travail en 2003.

Lors d'un reportage en Afghanistan, elle découvre que des jeunes filles d'à peine neuf ans s'immolent par le feu pour échapper au mariage. Depuis, elle n'a eu de cesse d'explorer plus d'une quinzaine de pays avec son appareil photo à la rencontre de jeunes filles mariées contre leur volonté, un témoignage fort et brutal en complet décalage avec la beauté du monde et des couleurs qui émane des clichés.

Stephanie Sinclair a pu rentrer chez des exciseuses indonésiennes, immortaliser les larmes de douleur d'une petite fille de 8 ans après l'excision, fouler les terres de Sierra Leone pour rencontrer des jeunes mères de 13 ans, assister à des mariages traditionnels en Afghanistan, en Inde ou au Yémen.

"Elle est tenace, pugnace", décrit Jean-François Leroy. "Stephanie consacre beaucoup de temps à chacun de ses reportages, il faut qu'elle se fasse accepter de tous avant de faire ses photos".

L'exposition est classée par thèmes, la photographe montrant tous les aspects du mariage forcé: la noce, l'isolement, la maternité précoce, les violences domestiques, l'asservissement sexuel.

Elle aborde également l'excision des jeunes filles, immortalise des femmes vitriolées, mais aussi celles qui représentent l'espoir car elles ont pu se séparer pour repartir à zéro.

Elle a elle-même légendé les photos, racontant un peu du quotidien de ses sujets. Ainsi, Rajni, seulement 5 ans, "est réveillée la nuit et emportée dans les bras de son oncle pour être mariée. Le mariage des enfants est illégal en Inde donc ils se déroulent souvent au petit matin", écrit-elle notamment.

"Ce travail hurle une réalité qu'on ne veut pas regarder en face", commente M. Leroy.

Depuis 2012, Stephanie Sinclair se consacre également pleinement à l'ONG "Too young to wed", qu'elle a créée pour protéger les droits des petites filles et empêcher les mariages d'enfants.

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