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Gains des musiciens et plateformes: accords et désaccords

Un artiste n'est pas payé à l'écoute sur les plateformes musicales, où prévaut un pot commun favorable aux plus streamés: le Centre national de la musique (CNM) a lancé une étude sur la question.

"Oui, c'est un sujet brûlant", convient auprès de l'AFP Jean-Philippe Thiellay, président du CNM (instance chapeautant toute la filière), qui espère pouvoir présenter "fin 2020, au plus tard début 2021" les résultats de l'enquête menée avec le cabinet Deloitte.

"Les résultats diront ce qui changerait en passant du système actuel - le data centric - à un autre, le user centric", développe-t-il. Pour résumer, le data centric en vigueur repose sur une répartition en fonction d'un nombre global d'écoutes, tandis que le user centric s'appuierait sur les écoutes individuelles des abonnés.

En clair, un abonné qui paye 10 euros mensuels et écoute peu de fois ses chanteurs favoris voit actuellement une grande partie de cette somme migrer vers d'autres artistes beaucoup plus streamés.

Les "auditeurs très jeunes, qui ont une plus grande tendance à écouter en boucle le même titre et ainsi concentrer un grand nombre de streams sur peu de contenus" pèsent ainsi sur le data centric, comme le synthétise Axel Destagnol, chef-produit de la plateforme Qobuz.

Deezer se déclare pro-user centric. "Nous avons été le seul acteur à mettre déjà ce débat sur la table car nous sommes conscients qu'il y a un réel déséquilibre en ce qui concerne la rémunération des artistes", souligne auprès de l'AFP Louis-Alexis de Gemini, directeur général de Deezer France.

- "Débat public" -

"Le fait que cela soit aujourd'hui un débat plus généralisé et public, c'est une bonne chose. La dernière contestation de la part de certains artistes en est la preuve...", poursuit ce responsable.

Robert Smith, leader de The Cure, a récemment retwitté la pétition internationale "Justice at Spotify", qui demande à la plateforme de mieux rémunérer les artistes.

Pour en revenir à l'Hexagone, Antoine Monin, directeur de la musique Spotify France et Benelux, assure que sa plateforme a "très favorablement accueilli l'étude lancée par le CNM" pour "permettre aux différents acteurs de mieux cerner les enjeux des différents modèles".

"Je ne sais pas dans quel sens iront les conclusions et pour ma part, je suis agnostique, je demande à voir", confie M. Thiellay.

"Une simulation a été faite en interne pour étudier l'impact qu'aurait le passage à un modèle user centric, révèle M. Destagnol, de Qobuz. Compte-tenu de notre audience, la différence est marginale. Cela s'explique par la moyenne d'âge de nos auditeurs qui est plus élevée que chez nos concurrents".

"Est-ce que le système actuel est une photo fidèle des usages? Je ne le pense pas", commente auprès de l'AFP Bertrand Burgalat, musicien, fondateur du label indépendant Tricatel et nouveau président du Snep (Syndicat national de l'édition phonographique).

- "Début de l'histoire" -

S'il se dit favorable à une juste répartition pour "artistes et producteurs", M. Burgalat se refuse toutefois à signer "un blanc-seing à d'autres effets pervers qui découleraient d'un changement". "Les gens ont du talent pour dévoyer (rires), il n'y qu'à voir ce qui se fait avec les streams +achetés+".

Au temps du CD, une maison de disque pouvait racheter en masse les albums de son artiste pour le faire grimper dans les charts, pour une meilleure visibilité: la même chose peut se faire avec les streams.

Cet été, des tribunaux allemands ont agi contre les opérateurs de sites internet proposant la manipulation de streams, dévoilait le Bureau export, structure de soutien à l'étranger à la filière musicale française (aujourd'hui absorbé par le CNM).

"Paradoxalement, que des gens malhonnêtes agissent dans la musique est un signe positif, car à un moment, on disait que la musique ne valait plus rien (rires)", rebondit M. Burgalat.

Il met surtout en garde contre "les main-mises sur les playlists pour orienter les écoutes". Ce dont se défendent les plateformes. "Ma conviction est que les plateformes n'ont pas encore adapté leurs propositions à la diversité des genres musicaux, elles n'ont pas encore atteint leur maturité. Nous ne sommes qu'au début de l'histoire", conclut M. Thiellay.

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