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Gérard Fromanger, le passeur de témoin, un peintre engagé dans son temps

"Comme un vieux toréador plein de coups de cornes, je me bats". A 80 ans, le peintre Gérard Fromanger respire l'énergie: un amour de la vie dont il transmet "le relais" à la jeune génération comme le soleil multicolore qu'il peint.

Il souffle avec des amis ses quatre-vingt bougies au Musée Marmottan Monet, où il a été invité cette année pour le premier des "dialogues inattendus" qui s'achève, entre peintures impressionnistes et contemporaines.

Le peintre né en 1939 à Pontchartrain (Yvelines) est le prototype de l'artiste empathique, engagé dans son époque: "L'angoisse est mondiale: du temps, du fric, du marché", résume-t-il.

"J'ai fait ce que j'ai pu pour être à la hauteur de la beauté du monde. Entre Eros et Thanatos, je suis du côté d'Eros", confie-t-il.

Un gardien du musée vient lui demander une dédicace. Il promet qu'il la fera à la fin de l'entretien. Il n'oubliera pas sa promesse.

- Soleil levant 2019 -

Au mur du musée, le tableau de Monet "Impression, soleil levant" de 1872 côtoie son acrylique sur toile, "Impression soleil levant 2019", où des cercles concentriques font vibrer son rayonnement tout puissant.

"Comment représenter un soleil levant en 2019 ?": Fromanger fait sortir du cœur du soleil une foule de silhouettes anonymes, rouges, blanches, noires, jaunes, que l'on retrouve tout au long de son œuvre.

D'autres tableaux font des clins d'œil à des Caillebotte ou des Pissarro. Leur thème commun : la vie des grands boulevards à Paris.

Et dix portraits d'impressionnistes "amis" appelés par leurs prénoms : Claude (Monet), Berthe (Morisot), Mary (Cassatt), Alfred (Sisley), Auguste (Renoir), Paul (Cézanne), Eugène (Boudin), Gustave (Caillebotte), Camille (Pissarro) et... Gérard (Fromanger).

Evoquant sa longue carrière, Fromanger résume : "il y a de très longues étapes, des étapes de montagne, des contre-la-montre et des sprints".

Elle commence "à l'âge de deux ans", raconte celui qui peint dans une chapelle en Toscane et a des chantiers pour 2020-21: une rétrospective à Caen, une autre à Lisbonne, un plafond aux Bouffes du Nord...

"Mon père, peintre amateur, était descendant de sept générations de peintres".

"Tous mes cahiers d’école étaient remplis de dessins. Les enfants du village venaient me copier. Ça donne confiance!"

Au Salon de mai 1964, alors artiste inconnu, "on avait mis mon tableau dans les toilettes", raconte-t-il. "C’est là que Giacometti, demi-Dieu sur terre, a vu et aimé mon tableau. Je me suis présenté. L’histoire de l’art est une course de relais. Si on ne saisit pas le témoin, on n'est pas dans la course".

- "Fête somptueuse" -

Il évoque "la fête somptueuse" de mai 68. A l'atelier des Beaux-Arts, "on a fabriqué 800 affiches à 3.000 exemplaires, on a vu la France défiler : mineurs du nord, pécheurs, postiers..."

"Mal formés, mal aimés, mal éduqués, on était tout à coup au cœur de notre peuple. On a eu la chance que la fête ne devienne pas une lutte pour le pouvoir et toutes ses turpitudes".

Ce peintre de la "Nouvelle figuration" qui a fréquenté Giacometti, César, Prévert, Godard, Foucault, Deleuze… s'inscrira toujours à gauche. Il exposera en Chine, en Amérique, en Afrique et en Europe.

Fromanger évoque "l'incroyable espoir des printemps arabes". Puis il s'interroge sur les +gilets jaunes+: "les premiers, c'était pas mal du tout. Un monde qu'on ne voyait pas, des gens plutôt âgés qui disent: je suis là, j'existe, vous m'avez oublié".

"On a vu Macron mouiller sa chemise. Hélas les black blocks ont saboté la fraîcheur de ce mouvement".

"Il y a deux choses importantes dans la vie, confie-t-il, la sincérité et la confiance. Sinon c'est pas intéressant".

"Le plus terrible, c'est la trahison, ça m'est arrivé deux fois. Le mensonge, la calomnie, pires que la maladie!"

Une autre vie là-haut ? Non: "le paradis c'est ici, c'est aussi le bon souvenir qu'on laisse chez les vivants. Si tu laisses des mauvais souvenirs, c'est ça l'enfer".

"Avec l'expérience, je remarque deux possibilités: ou la raison ou la passion (religions, idéologies, populismes) l'emporte : nous sommes dans un cycle où les passions tristes (haine, égoïsme, ressentiment…) veulent dominer la raison".

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