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Haïti se fait une place grandissante sur la scène internationale du jazz

A l'heure où la plupart des capitales mondiales du jazz sont ensevelies sous la neige ou grelottent par des températures négatives, la caribéenne Port-au-Prince offre une semaine de concerts en plein air avec les plus grands interprètes internationaux du genre à l'affiche.

"Notre ambition est d'être le festival de jazz de la Caraïbe, la référence en terme d'organisation mais aussi de programmation", explique Milena Sandler, directrice de la fondation Haïti jazz, organisatrice du Festival international de jazz de Port-au-Prince.

Cela faisait cinq ans que les organisateurs tentaient de faire venir Cécile McLorin-Salvant, la chanteuse la plus cotée du moment qui a été désignée Voix de l'année aux Victoires du Jazz 2018 en France.

La treizième édition du PaPjazz, comme il est surnommé par les habitués, leur a sans doute porté chance puisque l'Américaine de 29 ans est venue cette année.

Si la renommée de l'événement permet désormais d'attirer le gotha du jazz mondial, sa survie ne tient toujours qu'à un fil.

"Partout, faire un festival, c'est compliqué. En Haïti vraiment particulièrement", souligne Milena Sandler. "Mais c'est un défi que l'on relève chaque année parce qu'on aime ce qu'on fait", ajoute-t-elle.

La crise socio-politique reste encore en sourdine en ce début d'année, c'est la pénurie chronique de carburants qui met cette fois les nerfs des organisateurs à rude épreuve.

Les rares stations-service de la capitale haïtienne sont prises d'assaut par des dizaines de véhicules, un calvaire que même les plus passionnés de jazz n'ont pas forcément envie de vivre.

Grâce au covoiturage ou au marché noir, le public était néanmoins présent à l'ouverture du festival samedi soir dans les jardins d'un grand hôtel.

"Je suis toujours admirative des résultats qu'arrive à obtenir cette équipe en Haïti car on sait que les choses ne sont jamais faciles ici. C'est exceptionnel", commente Jeanine Millet, une spectatrice qui ne rate aucune édition du PaPjazz.

- Sans fioritures -

"Je me sens tellement béni d'être dans ce +pays de merde+", a lancé le trompettiste et compositeur américain Terence Blanchard à la fin de son concert, reprenant avec ironie une expression du président américain Donald Trump pour qualifier Haïti et plusieurs pays africains.

Ami du réalisateur Spike Lee dont il a signé plusieurs bandes originales y compris celle de "BlacKkKlansman", celui qui effectuait sa première visite en Haïti est particulièrement remonté contre le milliardaire républicain.

"Bien sûr, ce pays lutte, ce pays a des difficultés mais comme les autres pays", a dit le musicien à l'AFP.

"Franchement, c'est énervant de penser que quelqu'un a pu regarder par ici et oser faire ce commentaire sur un être humain", enrage celui qui est né à La Nouvelle-Orléans (Louisiane). Il a confié se sentir à Port-au-Prince "comme à la maison: je sens que j'ai des racines ici".

Loin des paillettes du star-system, le PaPjazz a aussi forgé sa singularité avec la transmission du savoir des géants de la musique vers les novices.

Avec cinq Grammy en poche, Terence Blanchard a ainsi passé plus d'une heure samedi matin à prodiguer des conseils et à montrer des techniques à de jeunes trompettistes haïtiens.

"Etant donné la passion que les gens ont pour la créativité et la musique dans ce pays, c'est tout simplement logique qu'il y ait ici un festival de jazz qui mêle les artistes internationaux et les artistes locaux", a-t-il indiqué à l'issue de l'atelier.

Encore impressionné d'avoir pu jouer avec son idole, Toussaint Smith Alain confie être "vraiment content d'avoir pu (se) frotter à ce talent".

"Vraiment merci au festival de jazz qui nous offre cette magnifique opportunité, à nous les Haïtiens alors que beaucoup de pays n'ont finalement pas cette chance", confie le jeune trompettiste de 24 ans.

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