Accueil Actu

Henri Cosquer, découvreur d'une grotte sous-marine, passé de l'ombre à la lumière

A force de ténacité, le plongeur Henri Cosquer a découvert dans les calanques de Marseille l'unique grotte sous-marine au monde ornée de peintures paléolitiques. Et 30 ans après l'exploration de ce joyau, le septuagénaire pourrait enfin obtenir la reconnaissance attendue avec l'ouverture prévue d'une réplique.

En 1991, sur son bateau au nom prédestinné, le Cro-Magnon, l'homme à la carrure de rugbyman posait fièrement devant les photographes, en combinaison violette, masque de plongée sur le front. Henri Cosquer, plongeur professionnel à la tête d'un club à Cassis, venait de déclarer la découverte d'une grotte par 37 mètres de fond. Sur ses parois, des dizaines de peintures et de gravures datant de -27.000 ans à -19.000 ans.

Lors du lancement en novembre du projet de réplique de cette grotte sur le port de Marseille par la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le septuagénaire à la barbe grisonnante, qui ne goûte guère les mondanités, est assis au premier rang entre élus, préfets et mécènes.

"Je me suis battu (...), ce n'était pas facile, mais maintenant cela va être visible par M. Tout-le-monde et c'est ça qui est important", explique en marge des discours officiels l'homme des profondeurs.

Quelques mois après, à l'ombre d'un bar sur le port de Cassis, son fief, le vieux loup de mer revient sur cette découverte qui ne lui a encore rapporté "aucun centime, à part des emmerdes", même si cela devrait changer avec le versement de royalties sur les entrées de la réplique, évacue-t-il.

- Boyau de 175 m de long -

Au milieu des années 80, le navigateur chevronné formé à l'école de Glénans convoie des voiliers entre les Antilles et l'Hexagone pendant l'hiver, mais garde en tête ce goulot repéré lors d'une sortie sous la calanque de Morgiou qu'il n'a pas encore pu explorer.

Après plusieurs vaines tentatives pour trouver l'issue du boyau étroit de 175 mètres de long, le voilà enfin un jour à l'intérieur. Il commence par inspecter le puits puis pose sa lampe: au bout du faisceau lumineux apparaît le dessin d'une main. Pressé par le temps, l'homme aux 10.000 plongées prend des photos à l'aveugle de la paroi. Quelques jours plus tard, pingouins, phoques, poissons apparaissent sur la pellicule.

Dans le plus grand secret, ce fils d'un officier mécanicien breton retourne dans la cavité, effectue des prélèvements qu'il fait analyser pour s'assurer de leur authenticité avant que sa découverte ne s'ébruite. Trois plongeurs trouvent alors la mort dans le boyau d'entrée, ce qui précipite la déclaration de sa découverte.

Le plongeur peu disert est sûr de son coup, mais la communauté scientifique doute.

"Il a apporté un trésor sur un plateau, mais il n'a pas toujours eu la considération qu'il mérite et a été pris sans doute un peu de haut", commente le préhistorien spécialiste de Lascaux Thierry Félix. "Certains ont cru que c'était une galéjade marseillaise".

- "Avide de transmettre" -

Henri Cosquer, qui a abandonné un BTS de mécanique, se passionne pour l'art rupestre, participe à des conférences jusqu'aux Etats-Unis et tente de s'imposer dans un monde qui n'est pas le sien afin de mener à bien le projet de réplique.

Pour cela, il tente de s'imposer dans un univers à mille lieues de celui qu'il a cotoyé pendant ses années de scaphandrier indépendant, au cours desquelles il répare les kilomètres de tuyaux des usines installées autour du canal de Martigues, sa ville de naissance, et d'autres pipelines en pleine mer. Un travail difficile et risqué dont il s'échappe en participant avec passion à l'élaboration de spectacles sur l'eau pour une compagnie de théâtre avec laquelle il sillonne la France.

"Sous son apparence rustre c'est quelqu'un de très attachant, avide de transmettre, à condition que l'on gagne sa confiance, et de très curieux", souligne Stéphane Fortuna, un des anciens élèves de son club de plongée.

En attendant les premiers visiteurs du musée qui portera son nom, Henri Cosquer continue à plonger et à s'émerveiller devant un banc de sars, pourtant l'un des poissons les plus communs de la Méditerrannée, pour "décrocher de notre monde", confient ses proches.

À lire aussi

Sélectionné pour vous