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Hervé Le Tellier, le méthodique facétieux

Hervé Le Tellier est un écrivain aussi méthodique que facétieux, qui obtient la consécration avec un roman explosant tous les canons.

"L'Anomalie" en est bien une: lancé par Gallimard sur le ring de la rentrée littéraire sans trop de bruit, le livre a propulsé sur le devant de la scène un auteur jusque-là discret.

C'est en effet celui que se sont arraché tous les jurys littéraires, à la fois thriller, comédie humaine et roman de science-fiction.

Quand il l'a vu sur autant de sélections, son auteur a confié sa certitude que cela se terminerait par une dernière ironie: zéro prix pour lui, et un pour chacun de ses concurrents.

"Je suis étonné", disait-il à l'AFP lors du festival littéraire Correspondances de Manosque, fin septembre. "Mes copains se moquent un petit peu de moi, surtout que je vais passer à côté de tous les prix pour finir. C'est le risque".

Hervé Le Tellier, 63 ans, est un fidèle de l'Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), une association d'écrivains qui composent en se fixant, par jeu, des contraintes. Il en est le président depuis 2019, et s'avoue admirateur du "Si par une nuit d'hiver un voyageur", roman d'Italo Calvino qui combine une multitude de débuts de romans inachevés.

- "Je déteste l'irrationnel" -

A l'origine il était scientifique, pas littéraire. "J'ai une formation de mathématicien, assez longue, puisque je suis allé jusqu'au DEA".

Il a entamé une thèse mais a bifurqué vers une école de journalisme, le CFJ, puis est passé par l'agence Reuters et de nombreux magazines scientifiques. "Entre être un mauvais mathématicien et un journaliste médiocre, j'ai choisi d'être un journaliste médiocre: ça se voit moins", plaisante-t-il.

Le goût des sciences lui est manifestement resté, comme le montre "L'Anomalie", très solidement documenté et truffé de références à une variété de disciplines sans jamais perdre son lecteur dans du jargon.

"Ce livre-là, j'avais envie de l'écrire depuis assez longtemps, c'est-à-dire ce type de livre qui mélange à la fois ce que je sais des sciences, des hypothèses sur le virtuel et sur l'idée qu'il est possible de simuler la réalité, et puis des questions plus intimes et philosophiques", décrit le romancier.

L'argument de départ: un événement qui semble n'avoir rien de rationnel et que notre société occidentale va s'échiner à rationaliser. "Je déteste l'irrationnel, je trouve que ça n'a aucun sens".

L'humour est l'autre arme d'un écrivain qui voulait "écrire un blockbuster", surtout divertissant, quoique rigoureux dans le moindre de ses détails.

Les connaisseurs s'étaient déjà esclaffés devant "Moi et François Mitterrand" (2016), roman dont le narrateur commente avec le plus grand sérieux sa correspondance avec des présidents de la République successifs qui lui répondent... la même lettre-type.

Ou ils avaient été bluffés par "Assez parlé d'amour" (2009) qui revisitait des thèmes à la Marivaux avec nos angoisses contemporaines. Et toujours avec le même soin pour la phrase.

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