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Hesham Nazih, l'Egypte à Hollywood

Il y a 20 ans, tous les jeunes Egyptiens avaient sa musique en sonnerie de téléphone. Aujourd'hui, Hesham Nazih signe la bande-son d'événements mondiaux, de la procession des momies au Caire au dernier-né des Marvel à Hollywood, Moon Knight.

Regardée par de nombreux Egyptiens, curieux de voir cette série américaine en six épisodes dont le réalisateur Mohammed Diab et plusieurs acteurs sont également leurs compatriotes, Moon Knight raconte l'épopée d'un héros ayant hérité ses superpouvoirs des dieux de l'Egypte ancienne.

"La civilisation pharaonique est extrêmement attirante pour un compositeur, qu'il soit Egyptien ou pas", assure le compositeur quinquagénaire dans son studio au Caire.

Mais, prévient-il, pas question de se laisser enfermer dans les musiques de son pays.

Enfant déjà, cet ingénieur venu à la musique sans être passé par le conservatoire ou les cours de solfège savait qu'il en ferait son métier, à force d'être lui-même ravi par les musiques de films.

"Je voulais faire ressentir aux autres ce que j'avais moi-même ressenti", affirme celui qui compte à son actif une quarantaine de films et séries.

- Eléphant bleu, Isis, Marvel -

Parmi ses œuvres les plus connues, la musique du film "Sahr el-Layali" ou "Nuits blanches" en arabe, l'histoire de quatre couples qui se déchirent et qui a été pressenti en 2003 pour l'Oscar du film étranger.

Ou encore celle d'"Al-Fil al-Azraq", l'éléphant bleu en arabe, dont le deuxième volet générait en 2019 les deuxièmes plus gros revenus du cinéma égyptien avec plus de cinq millions d'euros.

Puis, en avril 2021, son "hymne à Isis" chanté en ancien égyptien s'est retrouvé sur les télévisions du monde entier.

Alors, tous les regards étaient rivés sur le cortège des 22 momies royales sorties du musée de la place Tahrir au Caire –où elles se trouvaient depuis plus d’un siècle- vers le grand musée censé renouveler l'image du pays.

"La réaction du public a été très émouvante", assure Hesham Nazih pour qui cette parade a "une place spéciale".

"C'est comme un joueur de foot qui retire le maillot de son club pour endosser celui de son équipe nationale."

Continuant sur sa lancée égyptienne, le virtuose s'est attelé après à la série Moon Knight, réalisée par Mohammed Diab et montée par Ahmed Hafez, deux Egyptiens.

Là, les trois hommes se sont entendus pour glisser dans l'oreille des fans de Marvel du monde entier des classiques du monde arabe. Derrière les super-héros, dont l'un incarné par l'Egypto-palestinienne May Calamawy, se frayent ainsi les voix de la diva algérienne Warda et du crooner égyptien Abdel Halim Hafez.

"Moon Knight, c'est un autre niveau, une charge de travail dont je n'ai pas l'habitude: j'ai fait beaucoup de nuits blanches, mais j'ai adoré", raconte M. Nazih.

En retour, "les réactions sont nombreuses et viennent du monde entier".

- Rêve d'enfant -

Et surtout, elles témoignent d'un changement de mentalité.

D'habitude, dit-il, "le compositeur de musique de film n'est ni reconnu comme un vrai cinéaste par les réalisateurs car il est musicien, ni reconnu comme un musicien par ses pairs car il appartient au monde du cinéma".

Mais M. Nazih a déjà brisé ces frontières dont il se moque allègrement.

En 2018, il a été le premier musicien à recevoir le prix Faten Hamama, au nom de la célèbre actrice égyptienne, qui récompense chaque année une figure du cinéma, mais se limitait jusqu'ici aux réalisateurs et autres acteurs.

Trois ans plus tard, il faisait l'unanimité dans son autre univers, la musique, avec un prix pour l'ensemble de sa carrière au festival de musique arabe de l'Opéra du Caire.

Durant toute sa carrière, M. Nazih assure n'avoir cherché qu'une seule chose: surprendre.

En 2014, par exemple, il provoquait son public en mélangeant dans la bande originale de la série à suspense "Les sept commandements" rock et psalmodies soufies.

Là aussi, il avait puisé dans ses souvenirs d'enfance quand à neuf ans, il avait découvert ces mélopées s'échappant d'une mosquée d'Alexandrie.

Il lui aura fallu une trentaine d'années pour retranscrire sur partition cette "énergie majestueuse et positive". Avec à la clé, un nouveau plébiscite du public.

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