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La France rend hommage à Claude Lanzmann, passeur de mémoire avec "Shoah"

La France a rendu hommage jeudi à Paris à Claude Lanzmann, le réalisateur de "Shoah", qui a traversé le XXe siècle avec la volonté irréductible de témoigner de l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis.

"En ce jour, Claude Lanzmann, vous n’êtes pas seul : nous sommes tous avec vous ; ces morts sont tous avec vous. Ils vous maintiendront vivant à jamais", a déclaré le Premier ministre français Edouard Philippe lors de cet hommage national, le président Macron étant retenu à Bruxelles.

"Vous avez fait exister ceux qui ne sont plus, et il n'est pas impossible que vous ayez réussi à faire exister beaucoup de ceux qui sont ici", a-t-il souligné à propos de l'ancien résistant, décédé à l'âge de 92 ans.

Dans la cour des Invalides, en présence de la garde républicaine, étaient réunis les anciens ministres Bernard Kouchner, Jacques Toubon, Jack Lang, le philosophe Bernard-Henri Lévy, l'écrivain Frédéric Beigbeder, le cinéaste Arnaud Desplechin, l'actrice Judith Magre, première épouse de Claude Lanzmann, ainsi que sa veuve Dominique. La cérémonie était ouverte au public à la demande de la famille.

Face au cercueil recouvert du drapeau bleu-blanc-rouge, Bernard-Henri Lévy a évoqué, visiblement ému, la figure d'Orphée --le poète revenu des enfers-- pour saluer celui qui fut écrivain, philosophe, journaliste et surtout mémoire de l'Holocauste et de ses victimes.

Dans son éloge funèbre, le philosophe a salué l'"intellectuel engagé et querelleur" ainsi que le "jeune maquisard, bouillant d’intrépidité et de vie" que fut Claude Lanzmann, résistant en 1943.

Ancien président du Comité consultatif national d'éthique, Didier Sicard a lui aussi pris la parole pour évoquer un "passeur du temps futur" à propos de son ami disparu.

- Près de Simone de Beauvoir -

Figure marquante du XXe siècle, Claude Lanzmann est décédé il y a une semaine. "La grande épreuve a été de perdre notre fils (Félix) des suites d'un cancer, en janvier l'année dernière, c'était notre fils unique", a confié sa veuve à l'AFP. "Mon mari ne s'en est pas remis, sinon il aurait vécu cent ans".

Après cet hommage, il a été inhumé dans le caveau familial au cimetière du Montparnasse, non loin de Simone de Beauvoir, avec qui il partagea une partie de sa vie.

Près de 250 personnes étaient réunies pour cette cérémonie, en présence du grand rabbin de France Haïm Korsia. "Claude Lanzmann ne peut pas disparaître avec tout ce qu'il a apporté aux Juifs d'abord à la France et à l'humanité toute entière", a-t-il déclaré, avant que l'éditeur Antoine Gallimard ne prenne la parole, tout comme le cinéaste Arnaud Desplechin, qui a rappelé combien "Shoah" a "radicalement" changé sa vie.

Claude Lanzmann laisse derrière lui ce documentaire-monument sur l'extermination des Juifs d'Europe, qui fait autorité. "Shoah, c’est une oeuvre unique pour un crime unique, ce sont des visages, c’est un cri. Un refus aussi : celui de l’oubli", avait souligné le Premier ministre français aux Invalides.

Le film est entré dans l'histoire du cinéma par sa durée (9H30), sa forme (pas d'images d'archives) et son propos : raconter "l'indicible". Sa réalisation fut une aventure de longue haleine, puisque la préparation et le tournage s'échelonnèrent de 1974 à 1981, avec un montage qui dura presque cinq ans.

À côté de cette oeuvre, Claude Lanzmann fut également journaliste, directeur des Temps Modernes et écrivain. Ami de Jean-Paul Sartre, compagnon de Simone de Beauvoir, il a été un infatigable défenseur de la cause d'Israël, voyant dans l'antisionisme "un des masques de l'antisémitisme".

Son dernier film, "Les quatre soeurs", est sorti en salles il y a une semaine. Il s'agit d'un nouvel éclairage sur l'extermination des juifs par les nazis, avec les trésors amassés lors du tournage de "Shoah".

De nombreux rushes, conservés au mémorial de l'Holocauste à Washington restent à la disposition des chercheurs, a rappelé sa veuve Dominique.

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