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Ibrahim Maalouf: "je me fiche de savoir si ce que je fais est du jazz"

Le talentueux Ibrahim Maalouf a encore frappé à l'ouverture du festival Jazz in Marciac, en livrant au public un duo endiablé avec la légende du jazz Wynton Marsalis : un "gros challenge" pour le trompettiste protéiforme, qui en a vu "des vertes et des pas mûres" au cours de sa carrière.

Au centre, une quinzaine de trompettistes. Côté cour, un Ibrahim Maalouf remonté à bloc, avec ses musiciens aux instruments modernes. Côté jardin, la légende du jazz Wynton Marsalis, accompagné de son pianiste et son contrebassiste. Sur scène, le mélange est explosif. Electrique.

"Rencontrer Wynton Marsalis, composer pour lui, c'est juste géant", confiait le trompettiste franco-libanais à l'AFP, trois heures avant son concert de vendredi.

"C'est un gros défi, de montrer que le jazz traditionnel de Wynton et l'héritage afro-américain qu'il défend ne sont pas incompatibles avec ce que je propose musicalement, qui n'a rien à voir", expliquait le trompettiste lauréat de quatre Victoires de la Musique et d'un César de la Meilleure Musique de Film.

Dans la fraîcheur de sa loge, celui qui est pourtant un habitué du festival Jazz in Marciac se montrait soucieux de "faire les choses bien".

Car, lâchait-il, soudainement grave, "si musicalement on se plante, il y a beaucoup de mauvaises intentions qui pourraient sauter sur l'occasion pour montrer que la compatibilité entre nos visions n'existe pas, que c'est une lubie".

- "pas un monde de bisounours" -

Mais quelles "mauvaises intentions" ? On demande, on insiste. Ibrahim Maalouf caresse son crâne rasé, gêné, et avoue avec une lucidité surprenante: "Vous savez, le milieu du jazz, ce n'est pas un monde de bisounours".

"Il y a en permanence un débat pour savoir si ce que je fais, c'est du jazz ou pas", explique Ibrahim Maalouf, un inclassable, qui mêle pop, rap, électro, classique, jazz et musiques du monde. "Pourtant, souligne-t-il, c'est une musique qui véhicule des notions de liberté, d'ouverture".

"J'en ai connu des vertes et des pas mûres depuis 15 ans", confie-t-il finalement. "Plein de fois j'ai essuyé des insultes de la part de musiciens de jazz, surtout du milieu français".

Il raconte : "Une année, j'avais remporté les Victoires de la musique en même temps qu'un autre trompettiste. Ca ne lui avait pas plu qu'on gagne tous les deux en jazz, moi en tant qu'artiste de l'année, lui pour l'album de l'année."

"Arrivé chez lui, il a publié (sur internet) une photo de moi avec un crachat sur ma figure" sur l'image, explique-t-il. "C'était extrêmement violent".

"Je me fiche de savoir si ce que je fais est du jazz", finit-il par conclure, assurant que "le jazz n'est pas plus terrible" que les autres milieux musicaux.

Des violences, le musicien en a vécu d'autres, lui qui est arrivé en France à la suite de la guerre civile au Liban. "J'ai vu des bombes, j'ai vu des corps. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de cynisme dans les livrets de mes albums".

Reste que vendredi soir, la complicité entre Ibrahim Maalouf, ovni de la musique, et son homologue de La Nouvelle-Orléans de 56 ans, prix Pulitzer de la musique, a fait des étincelles sous le ciel de Marciac. Et le public en a redemandé.

De quoi rassurer le Franco-libanais, qui à 37 ans, est aujourd'hui concentré sur la sortie de son prochain album, "Levantine Symphony No.1", prévu pour septembre 2018.

"Humblement, j'essaye de rendre nos réalités un peu plus douces, un peu plus tendres, et nos rêves un peu plus réels" glisse-t-il dans un sourire.

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