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JO-2024: le breakdance aux Jeux, "un truc de malade !"

"Pas une seconde de ma vie j'ai pensé que notre culture pouvait être aux Jeux, c'est un truc de malade !": Lilou, star du breakdance, ne rêve pas. Cet art majeur du hip-hop avec ses codes et son univers très libre, est l'invité surprise à la grande table des sports olympiques.

Un "blase" (nom de scène), des "battles" (compétitions en duel), un "lifestyle" (mode de vie), des compétitions organisées en circuit privé et des performances époustouflantes au sol: c'est le monde du breakdance, art de la rue né il y a 45 ans dans le quartier du Bronx à New York et aujourd'hui sur la liste restreinte des sports invités aux Jeux olympiques à Paris en 2024.

Personne n'avait rien vu venir, pas même les aficionados. Les premiers émois olympiques remontent seulement à 2016 lorsqu'il se murmure dans le milieu du hip-hop que le Comité international olympique (CIO) veut intégrer la discipline au programme des Jeux de la Jeunesse (JOJ) en 2018 à Buenos Aires.

Carlota Dudek, qui a pour "blase" "Seniorita Carlota", était de la fête en Argentine pour la France.

"Je ne m'attendais pas à arriver aux Jeux olympiques. Petite, je regardais les Jeux à la télé et je rêvais devant les gymnastes, les trampolinistes", raconte à l'AFP cette jeune fille de 16 ans, qui aime autant l'esprit originel du breakdance que cette ouverture vers l'olympisme.

- Un art et un sport -

"Le break c'est un art mais c'est aussi un sport. On fait de la danse, avec une certaine créativité et une dimension artistique, il faut mêler la musique aux mouvements. Mais pour pouvoir faire tout ça, il faut une préparation physique. C'est ce qui donne l'aspect sportif de cet art", souligne la lycéenne, qui voit les JO comme "une sorte de renouveau du hip-hop" et une évolution naturelle. "Mon coach a découvert le break dans la rue et moi à l'école", relève-t-elle.

Un des quatre éléments fondateurs de la culture hip-hop avec le graffiti, le deejaying (DJ qui mixe) et le rap, le breakdance se joue aujourd'hui sur les scènes du monde entier, sous forme de "battles" entre B-Boy ou B-Girl avec des performances évaluées par un jury.

La discipline n'est pas structurée, les compétitions sont organisées par les danseurs eux-mêmes, des collectifs ou des associations. Seule une épreuve au niveau mondial fait foi: le BC One (Break Championship), créée il y a 15 ans par la marque Red Bull, très en pointe sur tous les sports alternatifs.

"Le BC One, c'est la référence, en termes d'organisation, de confort et de respect du danseur. L'impact est énorme. C'est l'événement le plus prestigieux", souligne Lilou, alias Ali Ramdani, double vainqueur de l'épreuve (2005, 2009).

"Le grand souci et le grand débat aujourd'hui, c'est la fédération. Notre milieu est coupé en deux, entre ceux qui pensent qu'on doit fédérer et d'autres qui ne veulent pas perdre l'essence du hip-hop", explique Lilou, sur la scène du breakdance depuis 20 ans, entre compétitions, jury, chorégraphies (notamment pour Madonna) et cinéma.

- Problème de structuration -

Au niveau international, le breakdance est sous l'égide de la World DanceSport Federation, qui gère principalement les danses dites de salon. En France, idem avec la Fédération française de danse sportive.

"En France, au sein de la Fédération, le hip-hop existe depuis 15 ans mais sous une forme scénique, pas sous la forme de battles. Il n'y a pas de Championnats de France de breakdance, mais quelques compétitions au niveau régional, il y a encore du travail", reconnaît Charles Ferreira, président de la Fédération française, qui estime à 5/6000 le nombre de licences en breakdance.

Même son de cloche pour Nahim Sassi, le coach de Carlota.

"Des championnats, vous en avez à toutes les sauces ! Pour vous dire, l'année dernière, on a remporté trois Championnats de France !", relève-t-il avant de comparer la situation du breakdance à la boxe et ses multiples ceintures.

Et de lancer pour les sceptiques quant aux valeurs sportives du breakdance: "On a rien à envier à un autre sportif sur la préparation physique, la performance ou les risques corporels. Le break est né dans la rue mais il n'y est pas resté. Et aujourd'hui, on a tout sauf la reconnaissance".

"Le statut d'athlète de haut niveau ? Mais je ne sais même pas ce que c'est", répond Lilou interrogée sur la question.

La toute jeune Carlota n'en sait guère plus. "Je crois qu'on est payé pour s'entraîner, non ?", demande la championne qui aspire à être reconnue comme "une vraie athlète". "C'est un plus dans ma vie".

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