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L'"art immersif" voit de plus en plus grand

Se plonger totalement dans des tableaux de maîtres au format XXL ou dans des oeuvres d'artistes numériques utilisant leur ordinateur comme d'autres leur pinceau... L'"art immersif" voit sa cote grimper en flèche auprès du grand public.

"Les gens veulent des expériences nouvelles et découvrir des concepts artistiques. L'art immersif intéresse tous les publics, des +geeks+ comme des personnes âgées", explique Michael Couzigou, à la tête de l'Atelier des Lumières, un centre d'art numérique lancé en avril 2018 à Paris.

En un an et demi, ce site a dépassé les attentes en attirant plus de deux millions de visiteurs venus découvrir les oeuvres de Klimt et Van Gogh en très gros plan, s'affichant sur les murs de l'ancienne fonderie ou se dérobant sous leurs pieds.

L'ouverture au Japon du Mori Building Digital Art Museum, mi-2018 à Tokyo, à l’initiative du collectif teamLab et avec le soutien de plusieurs géants de la technologie, de Panasonic à Epson, confirme le "boom" de cette forme artistique.

"Nous pensons que l'art numérique peut étendre le concept de beauté", résume dans son manifeste le collectif, qui a exposé son travail à La Villette au printemps-été 2018. Environ 300.000 visiteurs ont tenté l'expérience de se fondre dans les paysages oniriques et les cascades lumineuses imaginés par le collectif japonais.

- Ere du tout-numérique -

Cet engouement apparaît somme toute logique dans un monde ultra-connecté, pour la sémiologue Pauline Escande-Gauquié, enseignante au Celsa.

Mais le concept d'immersion "n'est pas arrivé avec le numérique, le cinéma a déjà été considéré à ses débuts comme une expérience immersive", rappelle-t-elle, avec ces spectateurs effrayés de voir un train foncer sur eux, devant un film des frères Lumière à la fin du XIXe siècle.

L'art immersif "est une nouvelle forme de représentation du monde, ce n'est pas nouveau, mais c'est plus poussé" sur le plan technologique, pointe cette spécialiste du numérique.

D'autant plus que les techniques de "motion design" utilisées font déjà partie de notre quotidien, via les effets spéciaux notamment, renchérit le directeur de l'Atelier des Lumières qui accueille, à partir de ce vendredi, un festival consacré à l'art immersif. Ce festival est une première à une telle échelle, permettant de montrer la dimension créative de ce mouvement et découvrir ce qui se fait au niveau mondial.

Ouchhh, Superbien, les Vandales, Algorithm, Spectrelab... Ces noms ne disent rien au plus grand nombre mais sont ceux des collectifs d'artistes, venus de France, Belgique, Turquie etc., qu'un jury de professionnels et le public devront départager d'ici le 24 octobre. A la clé: six mois d'exposition pour le vainqueur.

- A Bordeaux et Lyon -

Ces artistes-graphistes, dont certains collaborent déjà à des projets avec des entreprises ou font de l'habillage web, ont pour mission de proposer un concept original, immersif et limité à 4 minutes maximum.

Le cahier des charges impose également d'utiliser les 140 vidéoprojecteurs de l'Atelier et les 3.300 m2 de surface sur laquelle on peut projeter des oeuvres et plonger les spectateurs dans le cosmos, la forêt ou tout autre univers fantasmé.

Acteur-clé du secteur, l'opérateur Culturespaces ne compte pas s'arrêter là et prévoit d'ouvrir un troisième centre d'art numérique en avril 2020, après les Carrières de Lumières aux Baux-de-Provence, ouvertes en 2012 et l'Atelier des Lumières parisien.

Baptisés "les Bassins de Lumière", ce nouveau projet prendra forme dans une partie de la base sous-marine de Bordeaux. Le site monumental devrait ajouter une nouvelle dimension à l'expérience immersive avec la présence de quatre bassins d'eau, reflétant les tableaux.

Ailleurs aussi, le concept fait des émules. A Lyon, c'est à la Sucrière d'inaugurer ces jours-ci une exposition immersive consacrée à Picasso.

Dans un décor imaginé par l'architecte Rudy Ricciotti, concepteur du Mucem à Marseille, "Imagine Picasso" promet une "réelle proximité avec les oeuvres" et des émotions décuplées "dans un cadre totalement différent de celui silencieux et sacralisé du musée".

Une vision qui fait grincer des dents, certains y voyant un dévoiement des intentions de l'artiste et une déformation pure et simple des oeuvres.

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