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La comédienne Bulle Ogier égrène ses souvenirs et ses drames

Dans les années 1970, Georges Pérec écrivait "Je me souviens", brillant exercice sur la mémoire des petits riens d'une vie. Pour évoquer ses souvenirs et ses drames, Bulle Ogier, la Salamandre, a choisi plus modestement d'intituler son livre "J'ai oublié".

Écrit avec l'aide de la journaliste et amie Anne Diatkine, "J'ai oublié" (Seuil, en librairie le 19 septembre) est à l'image de la comédienne âgée de 80 ans, doux et mélancolique.

L'actrice, devenue célèbre au cinéma avec "La Salamandre", d’Alain Tanner, et "L’Amour fou", de Jacques Rivette a tourné avec Luis Bunuel, Barbet Schroeder (son mari et "homme de sa vie" à qui le livre est dédié) ou encore Marguerite Duras dont elle était très proche et qu’elle a plusieurs fois servie, au théâtre.

Sur scène, elle a joué sous la direction de Luc Bondy, Claude Régy, Jean-Louis Barrault, Patrice Chéreau...

"J'ai oublié plus que tout au monde pourquoi je suis devenue actrice, moi qui étais si timide et détestais me montrer", raconte la comédienne.

Bulle Ogier n'est pas née Bulle Ogier. Pour l'état-civil, elle est Marie-France Thielland. Son père, "le meilleur avoué de Paris", elle ne le verra pour la première et "unique fois" qu'à l'enterrement de son frère aîné. "Il m'a dit: +Bonjour, madame+. Je lui ai répondu: +bonjour monsieur+. Nous en sommes restés là".

Ce père absent a refusé "par courrier recommandé avec accusé de réception" que la jeune femme utilise son nom en tant qu'actrice. "J'ai repris le nom de ma mère avec beaucoup de plaisir. Je n'oublierai jamais que l'unique fois où mon père a été salvateur à mon égard, c'est lorsqu'il m'a retiré le droit de porter son nom", se targue la comédienne.

Quant au prénom Bulle, l'actrice raconte que c'est une idée de son oncle, le frère de sa mère. Quand elle était enceinte, il lui demandait: "Comment va ta bulle?"... "Si bien que ma mère et à sa suite tous mes amis m'ont toujours appelée ainsi".

- Avec Pascale -

Il y a des souvenirs cocasses dans ses souvenirs. On sourit quand la comédienne évoque son appartement parisien à géométrie variable ("il tient de l'accordéon", dit joliment Bulle Ogier) et ouvert à tous les vents. Un jour, des voleurs emporteront les grosses portes en chêne (jamais closes) sans que quiconque s'en aperçoive.

On frémit quand la comédienne révèle les deux viols qu'elle a subis. Une première fois, elle fut violée par un médecin chez qui elle avait pris rendez-vous pour un avortement alors illégal. Le souvenir est sec et brutal. "Je me suis allongée, j'ai écarté les jambes, et le médecin clandestin m'a violée sans me prévenir, puis avortée comme convenu, je l'avais payé d'avance". Quelques années plus tard, au retour d'une représentation au théâtre, elle subira un second viol de la part d'un commissaire de police véreux.

Mais la plus grande blessure, qui transparaît à chaque page et qu'on devine impossible à cicatriser, est la disparition brutale de sa fille Pascale en octobre 1984 à la veille de ses 26 ans.

"J'ai oublié que j'ai eu une vie très amusante et joyeuse jusqu'à la disparition de Pascale", dit avec pudeur la comédienne, terrassée par un chagrin impossible à oublier.

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