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La culture au charbon: le Louvre-Lens fête ses 10 ans, ancré dans l'ex-bassin minier

Bâti sur un ancien carreau de mine, le musée du Louvre-Lens, qui fête ses dix ans, s'enorgueillit d'avoir dépassé 5 millions de visiteurs, signe que sa greffe prend dans un territoire longtemps sinistré qui donne des signes de renouveau.

"La culture, ce n'est pas seulement un supplément d'âme, c'est aussi un moteur économique pour un territoire": à la veille du week-end anniversaire, la directrice du musée, Marie Lavandier, résume ainsi le pari fou de sa création, au coeur d'un bassin minier laissé exsangue par la fin de l'exploitation du charbon.

Sur une ancienne friche de 20 hectares, dominée par le stade Bollaert et les silhouettes noires de deux terrils, se déploient des bâtiments aux façades vitrées et lignes épurées, intégrés dans un parc ouvert à tous.

Face au musée, un ancien coron a été aménagé en hôtel quatre étoiles, conservant les briques d'origine. Entre 2012 et 2019, les nuitées hôtelières ont augmenté de 20% dans le bassin minier.

La métamorphose s'enclenche en 2003, lorsque le ministre de la Culture de Jacques Chirac Jean-Jacques Aillagon s'engage pour la décentralisation des grands musées parisiens.

Le volontarisme des présidents du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, le socialiste Daniel Percheron, et du Louvre, Henri Loyrette, feront le reste. La candidature de Lens, sous-préfecture sans musée ni cinéma, est retenue.

- Condensé de culture gratuit -

Le musée est inauguré le 4 décembre 2012 -- jour de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs-- peu après l'inscription du bassin minier au Patrimoine mondial de l'Unesco.

La priorité du musée est de toucher un public de proximité. Une équipe de 30 médiateurs travaille à surmonter le sentiment d'illégitimité que peuvent ressentir certains habitants, et intervient aussi bien dans des centres commerciaux que dans des écoles.

Autre expérimentation, une "exposition participative" conçue par des jeunes en réinsertion de la région s'ouvrira le 4 septembre, intitulée "Intime et moi".

Emblématique de cette démarche, la Galerie du Temps, à l'accès gratuit.

Dans une vaste salle se déploient des millénaires de création humaine, grâce à des oeuvres prêtées par le Louvre et le Quai Branly, d'un sarcophage égyptien à un tableau de Fragonard.

Habitante de Bully-les-Mines, Sara Dambrine y flâne au milieu de touristes belges et allemands et de nombreux groupes scolaires.

"On ne peut pas tous se déplacer à Paris pour voir des expositions", note cette maquilleuse de 23 ans, qui n'a jamais visité le Louvre "historique".

Ici, 23% des visiteurs sont ouvriers ou employés, contre 13% de moyenne nationale, et 70% originaires de la région.

- Un musée "accélérateur" -

Le territoire est porté par la dynamique du musée, assure Marie Lavandier, mais "évidemment transformer un territoire qui était mono-industriel pendant un siècle prend du temps".

Signes d'une mutation profonde, une usine de batteries électriques pour l'automobile s'est implantée à quelques kilomètres de Lens. La proportion d'habitants diplômés de l'enseignement supérieur a augmenté de 40% entre 2008 et 2018 et le chômage recule.

Lens, qui perdait des habitants depuis les années 1960, en regagne depuis 2016, se réjouit aussi le maire (PS) Sylvain Robert.

"On voit que l'approche des promoteurs est différente, des opérations de plus grande ampleur se font plus naturellement grâce à la visibilité apportée par le musée", explique-t-il.

Distant du musée de 2km, le centre-ville semble toutefois rester un peu à l'écart. Beaucoup de boutiques y sont fermées.

"On a encore du mal à faire le lien entre la ville et le musée" constate Laurent Lestienne, gérant de la brasserie L'Imbeertinence.

Cet enfant du pays, dont les deux grands-pères mineurs sont morts de silicose, considère toutefois le Louvre-Lens comme une chance pour les décennies à venir. Il se félicite d'avoir, grâce à des efforts de communication, réussi à capter "une clientèle très qualitative".

"Plus qu'un moteur, Le Louvre-Lens est un accélérateur de dynamique", juge Laurent Duquenne, de la Mission bassin minier.

Avec des attentes immenses au départ, la transformation ne va peut-être pas assez vite pour certains, reconnaît-il, mais "quelque chose est enclenché".

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