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La Libération de Paris à hauteur d'enfant: "la peur"

Pas la liesse, ni le soulagement mais "la peur": c'est ce qu'évoque la Libération de Paris pour Geneviève Debals, emmenée à 11 ans par son père pour voir le général de Gaulle descendre les Champs-Elysées.

De l'épisode, elle garde l'image de la foule envahissante, le bruit sourd des derniers tirs et la crainte que son père ne lui lâche la main. Comme en dernier écho à l'angoisse qu'elle a souvent ressentie fillette pendant l'Occupation.

Le 26 août 1944, au lendemain la reddition allemande, le général est à l'Arc de Triomphe où il s'incline devant la tombe du soldat inconnu. Après avoir descendu les Champs-Elysées au milieu des Parisiens en liesse, il se rend à Notre-Dame.

C'est là que l'attendent Geneviève et son père Elie, tandis que sa mère Elisa est restée avec ses deux jeunes fils "à la maison", raconte l'élégante vieille dame, chemisier vert sur pantalon noir, rencontrée quelques jours après ses 86 ans célébrés le 6 juillet.

"On vivait à Gentilly" dans la banlieue sud de la capitale. Mais après l'appel à la grève générale, le métro ne marchait pas. "On n'avait pas de voiture, alors avec papa on est partis à pied". Une marche de cinq kilomètres en passant par la porte d'Italie, se remémore Geneviève dans sa maison de La Bastide-l'Evêque (Aveyron), le fief familial dans le Rouergue.

A Paris, des tirs continuent de retentir, notamment aux abords de la cathédrale. Le tireur "était un collabo", croit se souvenir Geneviève.

"Celui qui menait le cortège a crié: +Couchez-vous+, parce qu'on était mitraillés". L'inconnu hurle aussi: "Les hommes valides avec moi". Geneviève panique: "moi j'ai dit à papa +reste avec moi+".

-"Vous auriez pu mourir" -

"On est partis, on a eu trop peur", poursuit la vieille dame. "On est rentrés en rasant les murs, on se mettait dans les portes cochères et on est rentrés petit à petit à Gentilly".

Une fois arrivés "à la maison, ma mère a enguirlandé mon père. Elle a dit +vous auriez pu vous faire mitrailler, vous auriez pu mourir+".

Au milieu du récit que Geneviève livre avec enthousiasme, perce une légère confusion. "Je ne me rappelle même pas si j'ai vu le général de Gaulle", avoue-t-elle. Mais pourtant si, quelques minutes plus tard, ce souvenir lointain lui revient : elle et son père, "gaulliste", ont bien vu l'homme du 18 juin 40.

Sans qu'alors la fillette ne réalise l'importance du moment. "Ce serait aujourd'hui, je prendrais une photo", regrette la vieille dame.

La peur, elle l'avait déjà ressentie bien avant les derniers combats parisiens. Tous les jours, la radio est allumée et dans le salon familial résonne "Ici Londres, les Français parlent aux Français".

"Dès qu'on entendait un bruit du côté du jardin, on regardait par un trou du volet", avec l'appréhension d'être surpris par une ronde de l'occupant allemand.

Les bombardements aussi la faisaient trembler. D'autant que son père, qui travaillait à cette époque dans le service imprimerie d'une société de moteurs d'avions, s'occupait d'un abri où sa mère refusait d'aller.

"Il nous laissait tomber", grimace la vieille dame.

Une autre inquiétude taraude la famille, sur le sort d'un des deux fils aînés, combattant avec les résistants des FFI (Forces françaises de l’intérieur).

Mais soudain un sourire espiègle anime le visage de Geneviève: quand l'alerte retentissait, reprend-elle, "on descendait à la cave, et là notre mère nous donnait un sucre avec de l'eau de vie de prune".

Un alcool préparé "ici", dans le Rouergue, à Cabanes, un hameau de La Bastide-l'Evêque, où Geneviève passait ses vacances dans la maison de la grand-mère. Pendant le conflit, celle-ci tuait parfois le cochon, et la mère de Geneviève descendait par le train pour faire provision de charcuterie.

Des dames lui "donnaient des lettres pour les poster" à Villefranche-de-Rouergue, se remémore l'octogénaire. "J’avais peur. Parce que, des fois, les Allemands passaient dans les compartiments et désignaient des gens pour les fouiller", explique-t-elle.

C'est dans ce hameau que Geneviève rencontrera son futur mari. Des années plus tard, sa fille Nadine, une de ses trois enfants, fera de même.

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