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La procureure appelle à croire les femmes et à condamner Weinstein

L'accusation a appelé vendredi les jurés à déclarer coupable le "prédateur" Harvey Weinstein et à croire les femmes qui n'ont "aucune raison de mentir" en accusant le producteur d'agressions sexuelles, au dernier jour de ce procès-test pour le mouvement #MeToo.

Le producteur de cinéma aux plus de 80 Oscars se considérait "comme un maître de l'univers, et les femmes qui ont témoigné (contre lui) n'étaient que des fourmis qu'il pouvait piétiner sans conséquences", a déclaré la procureure Joan Illuzzi-Orbon dans son réquisitoire final, après trois semaines d'audiences au tribunal de Manhattan.

Le producteur de 67 ans, qui risque la perpétuité en cas de condamnation, pensait avoir une "police d'assurance infaillible" car les six femmes qui ont témoigné au procès "faisaient la queue pour rejoindre son univers" et avaient donc intérêt à se taire, a-t-elle ajouté.

Pour la procureure, elles n'avaient "aucune raison de mentir".

"Pourquoi se soumettre à tout ce stress (en venant témoigner)"? a-t-elle lancé aux jurés pendant sa plaidoirie de trois heures, plus courte que celle de l'avocate de la défense Donna Rotunno qui jeudi avait demandé l'acquittement.

"Ont-elles semblé heureuses d'être au prétoire? (...) Elles ont sacrifié leur dignité, leur intimité, leur quiétude dans l'espoir de faire entendre leur voix", a-t-elle martelé.

La procureure - qui mena les poursuites contre Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire du Sofitel en 2011, finalement abandonnées - a aussi essayé de dissiper les doutes introduits par la défense jeudi.

Donna Rotunno avait insinué que les accusatrices s'étaient mises en situation d'être agressées, en continuant à fréquenter le producteur alors qu'il les avait déjà selon elles violentées.

- Les crimes sexuels sont "différents" -

"Est-ce qu'en allant chez Harvey Weinstein, elle méritait ce qui lui est arrivé? Etait-ce sa décision?" a interrogé la procureure, en référence aux accusations de Mimi Haleyi, une ex-assistante de production qui accuse M. Weinstein de l'avoir agressée au domicile du producteur en 2006.

"Est-ce qu'en prenant l'avion, on doit s'attendre à ce qu'il soit détourné? (...) Mais nous percevons les victimes de crimes sexuels différemment (des victimes) d'autres crimes", a-t-elle martelé.

Pendant sa plaidoirie entremêlant une vingtaine de dépositions, parfois difficile à suivre, elle est revenue longuement sur le récit de l'actrice Annabella Sciorra, qui affirme avoir été violée par M. Weinstein à l'hiver 1993-94, chez elle à Manhattan.

Des six femmes qui ont témoigné contre le co-fondateur de Miramax, la déposition de l'actrice, au début du procès, fut sans doute la plus accablante pour Harvey Weinstein. Annabella Sciorra a tout fait pour le maintenir à distance après le viol présumé, alors que d'autres femmes sont restées en bons termes avec lui.

Selon la procureure, cela lui a valu d'être inscrite sur une "liste rouge" du producteur, et ciblée par des personnes qu'il avait recrutées pour essayer d'étouffer, en 2017, les enquêtes de journalistes du New York Times ou du New Yorker sur ses abus sexuels présumés.

C'est la publication de ces enquêtes qui a déclenché le mouvement #MeToo en octobre 2017, précipitant la dénonciation d'abus sexuels de nombreux hommes de pouvoir. Harvey Weinstein est le premier à être jugé au pénal.

La procureure a aussi repris le témoignage parfois confus de Jessica Mann, une ancienne aspirante actrice qui a reconnu avoir eu une relation avec Harvey Weinstein plusieurs années après qu'il l'eut présumément violée en 2013.

La défense avait présenté son récit comme la preuve qu'elle était en fait consentante, citant de nombreux courriels affectueux qu'elle a envoyés à Harvey Weinstein.

Pour la procureure, Mme Mann a prouvé tout du long qu'elle était de la plus haute "moralité".

"La question n'est pas de savoir si elle a pris de mauvaises décisions. La question est de savoir si elle vous ment. Si elle dit la vérité, elle a bien été victime d'un viol".

Si M. Weinstein a été accusé de harcèlement ou d'agression sexuelle par plus de 80 femmes, sur 30 ans, il n'est jugé directement à New York que pour deux agressions présumées: le viol supposé de Jessica Mann et un cunnilingus forcé qu'aurait subi Mimi Haleyi.

Les témoignages des quatre autres femmes sont censés établir qu'il était un agresseur récidiviste, ce qui lui vaut d'avoir été inculpé d'"agressions sexuelles prédatrices".

Les réquisitoires terminés, les jurés - sept hommes et cinq femmes - vont délibérer à partir de mardi.

Plusieurs avocats ont indiqué s'attendre à des délibérations compliquées, n'excluant ni un acquittement ni une annulation du procès, faute d'unanimité des jurés.

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