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La robe des avocats, symbole puissant d'indépendance et d'unité

Elle est à la fois une armure dans le prétoire et la blouse de travail de tous les jours: la robe de l'avocat, jetée à terre en opposition à la réforme des retraites, est un symbole puissant de l'indépendance et de l'unité de ces auxiliaires de justice.

L'image est saisissante: des dizaines de robes noires s'envolent pour venir tapisser le dallage de marbre de la salle des pas perdus du palais de justice de Paris. Le geste, initié mercredi par le barreau de Caen, se multiplie à travers les tribunaux de France, contre une réforme qui prévoit de doubler leurs cotisations et "va tuer les petits cabinets", estime la profession.

"C'est parce que nous la vivons tous comme +sacrée+ que ce geste est fort. (...) Nos confrères ont choisi une action qui illustre le dédain affiché par notre ministre, pour notre robe, depuis des mois. #IamCaen" a tweeté Christian Saint-Palais, président de l'Association des avocats pénalistes.

Depuis des mois, ils ont manifesté, bloqué les tribunaux, réclamé le renvoi d'audiences, mais c'est ce geste qui marque la profondeur de leur colère. Parce que la robe les accompagne, "du premier au dernier jour" d'un métier prestigieux "mais pas toujours très lucratif" et qu'ils choisissent par passion, expliquent de jeunes pénalistes spécialisés dans le droit d'asile.

"Elle est mon armure quand je combats un adversaire ou si je dois tenir tête à un magistrat. J'y cache ma sueur, ma peur de perdre, elle est l'étendard de mes victoires (...) Elle est ce que je suis aux yeux de ceux qui me regardent quand je me lève: La Défense de mon client", a décrit sur Twitter l'avocate "AuPalais", aux près de 30.000 abonnés.

"C'est aussi le symbole d'une distance entre mon âme et le bonhomme que je défends, et celui de la liberté", relève l'ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, car l'avocat ne saurait être condamné pour des propos tenus en plaidoirie.

- De la soutane à la robe -

Son port est devenu une obligation légale en 1971, mais l'histoire de la robe noire est aussi ancienne que le métier d'avocat. Elle est à l'origine une soutane, car au Moyen-Âge, la fonction était exercée par des membres du clergé.

A mesure que la société se sécularisait, le curé est resté le conseiller de l'âme, l'avocat est devenu celui de l'homme. Et il a conservé sa robe, fermée longtemps par 33 boutons, en référence à l'âge du Christ.

"Nous avons gardé la robe, un uniforme neutre, parce qu'elle symbolise notre égalité - il n'y a pas de sexe sous la robe - et est historiquement la même que celle des magistrats, qui sont de la même famille des auxiliaires de justice", explique Xavier Autain, du Conseil national des barreaux, qui représente les 70.000 avocats français.

Ce costume se compose de trois éléments: la robe noire aux larges manches - indispensables aux effets - souvent de laine fine doublée de satin; le rabat de coton blanc plissé échappé d'une encolure raide; et l'épitoge, deux bandes de tissu noir serties d'une ou plusieurs bandes d'hermine selon le grade de l'avocat - rare signe distinctif visible.

"Seuls les avocats parisiens ont coupé l'hermine, qui était un symbole royal, au nom de leur indépendance", précise Xavier Autain, relevant une division persistante entre avocats quant à l'opportunité d'épingler sur la robe des décorations accordées par le pouvoir.

La robe, souvent taillée sur mesure, coûte entre 500 et plus de 1.000 euros. L'hermine pourra être remplacée par du lapin pour les fauchés ou du synthétique pour les militants ou les allergiques.

La maison Ponsard & Dumas, premier fabricant français, vante sur son site ses costumes personnalisables "dans le respect de la tradition" et du "symbole d'égalité" qu'est demeuré la robe.

Pour la jeune avocate Elodie Journeau, qui défend des citoyens précaires en touchant une rémunération modeste, la robe est aussi "le symbole de l'accès au juge" pour les démunis et le marqueur sain d'une société démocratique.

L'avocat met la robe en prêtant serment, rechigne souvent à la prêter (son nom est brodé à l'intérieur). Et quand on quitte ce métier, rappelle Me Autain, "on raccroche la robe".

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