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Le 6 décembre 2008, quand la Grèce s'embrasait après une bavure policière

Le 6 décembre 2008, la mort d'un adolescent, abattu par un policier à Athènes, déclenchait des émeutes d'une ampleur inédite à travers la Grèce, attestant du malaise d'une jeunesse grecque alors minée par la précarité des débuts de crise.

Tous les ans depuis lors, la jeunesse et la gauche grecques manifestent le 6 décembre, lors de marches de la mémoire régulièrement émaillées de violences et d'actes de vandalisme.

Le 6 décembre 2008 vers 21H00, le jeune Alexandros Grigoropoulos était mortellement blessé à la poitrine par un policier qui avait tiré trois balles dans sa direction.

L'adolescent de 15 ans faisait partie d'un groupe de 30 jeunes qui lançaient des pierres et divers projectiles contre un véhicule de police patrouillant dans le quartier contestataire d'Exarchia, à Athènes.

A quelques centaines de mètres, l'Ecole Polytechnique d'Athènes, bastion de la contestation, s'embrase immédiatement. Très vite, les étudiants sont rejoints par des jeunes précaires et des militants de gauche; ils manifestent pendant plus d'un mois dans les grandes villes grecques.

- Soulèvement contre la violence policière -

Dans les manifestations, les jeunes protestent contre "l'arbitraire" des policiers et scandent des slogans contre le gouvernement conservateur de Costas Caramanlis et son ministre de l'Intérieur, Prokopis Pavlopoulos, l'actuel président de la Grèce.

"Le 6 décembre est devenu le symbole du soulèvement contre la violence policière en Grèce", explique à l'AFP Sotiris Chtouris, professeur de sociologie à l'université de l'Egée.

"Rien n'a vraiment changé depuis 2008, la relation de l'Etat aux jeunes n'a pas changé, la situation des jeunes ne s'est pas vraiment améliorée. Parce qu'ils se sentent abandonnés par l'Etat, ils pensent qu'ils ont le droit de se révolter par la violence et d'être dans l'illégalité", ajoute l'analyste.

Cette année, la commémoration de la mort de l'adolescent intervient quatre mois seulement après la libération du policier reconnu coupable en 2010 d'avoir tué intentionnellement Alexandros Grigoropoulos. Il avait été condamné à la prison à vie.

Redoutant une nouvelle flambée de violences pour les manifestations prévues vendredi à Athènes, la police grecque est sur le pied de guerre et le ministère de la Protection du citoyen a ordonné "la tolérance zéro" pour les pilleurs et les casseurs.

D'autant que cette commémoration est la première depuis l'élection en juillet du gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis, qui a durci les peines de prison pour violences urbaines et multiplié les interventions policières dans les universités et le quartier d'Exarchia.

- Révolte d'une jeunesse sans espoir -

"C'est une révolte sociale de la jeunesse", déclarait en décembre 2008 Alexis Tsipras, alors leader de la gauche radicale.

"Les raisons qui poussent les adolescents à descendre dans la rue sont fortes et profondes. Ils se sentent comme s'ils avaient tous reçu une balle en plein coeur, comme le jeune Alexandros", ajoutait celui qui fut plus tard Premier ministre (janvier 2015-juillet 2019).

"Mais la vraie raison de leur colère, c'est l'insécurité sociale", estimait Tspiras cité par le journaliste de Libération Fabien Perrier, dans "Alexis Tsipras, une histoire grecque" (éditions François Bourin, novembre 2019).

De fait, Anastassia Kotzamani, une sociologue de 25 ans rencontrée alors par l'AFP, parlait de "la colère" et de "l'exaspération des jeunes". "Cet assassinat était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase; on a 25 ans, on a fini nos études, on n'a pas de boulot, notre seule solution est de partir à l'étranger", témoignait-elle alors.

Car le salaire minimum était à 650 euros et le chômage des jeunes à 23% en cette fin 2008, moins d'un an avant que le pays ne sombre dans une crise financière inédite.

Aujourd'hui, le Smic est toujours à 650 euros après avoir chuté pendant la crise, et malgré un recul à 17%, le chômage est toujours le plus élevé de la zone euro. Il est à près de 33% pour les moins de 24 ans.

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