Accueil Actu

Le Festival d'Aix-en-Provence, laboratoire d'opéras

Salzbourg peut se vanter d'être le plus grand festival d'opéra au monde, Glyndebourne, le plus chic, mais c'est bien le Festival d'Aix-en-Provence qui peut se targuer d'être le plus créatif.

Le plus prestigieux festival lyrique français, qui fête à partir de mercredi ses 70 ans, parie sur la création pour maintenir vivant un art jugé élitiste.

Sur le départ après 11 ans, son directeur Bernard Foccroulle a été salué par la presse internationale pour avoir assis la réputation d'Aix comme laboratoire de productions d'avant-garde.

Pour sa dernière saison (4-24 juillet), le Belge de 64 ans présentera deux créations: "Seven Stones", premier opéra d'un jeune compositeur tchèque, et "Orfeo & Majnun", qui mélange le "Orphée et Eurydice" européen et le "Majnoun et Layla" arabe.

Si depuis 1998 la tradition était de présenter une création en plus des classiques, cette tendance s'est accélérée avec Bernard Foccroulle.

- L'opéra, un "art vivant"?

"L'habitude dans les festivals d'opéra, c'est qu'il n'y a jamais de créations", explique à l'AFP le directeur qui sera remplacé par le Franco-Libanais Pierre Audi, autre pointure de l'opéra européen venu du Dutch National Opera.

"Or la création est un enjeu majeur à Aix. Ça fait que l'opéra reste un art vivant", assure l'organiste et compositeur qui entend se consacrer de nouveau à la musique.

Cet homme aux cheveux gris bouclés a fait ainsi découvrir au public "Written on Skin" (2012) -- salué par le Wall Street Journal comme "le plus important opéra écrit au 21e siècle" -- ou encore le premier opéra arabe du festival, "Kalila wa Dimna" (2016).

"Je n'ai pas envie que l'opéra reste figé dans ses traditions", assure M. Foccroulle.

Il s'appuie énormément sur les coproductions qui "diminuent les charges et permettent surtout de partager les créations le plus largement possible" à travers le monde. C'est ainsi que "l'on recrée un répertoire d'aujourd'hui", poursuit le directeur sortant.

Son successeur ne devrait pas rompre avec cette stratégie. "L'internationalité est notre salut", assurait Pierre Audi après sa nomination.

Le nombre global de productions a quelque peu diminué en raison des coûts mais peu de festivals d'opéra égalent Aix en termes d'expérimentation.

Parmi les grands noms des dernières années: Katie Mitchell, qui revient cet été avec "Ariane à Naxos" de Richard Strauss, Simon McBurney, qui reprend sa "Flûte enchantée" de Mozart, le très radical metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov ou encore Patrice Chéreau qui avait fait sensation avec "Elektra" en 2013 quelques mois avant sa mort.

Le festival est aussi sorti de la sphère occidentale en s'ouvrant aux cultures arabes et méditerranéennes et en attirant de jeunes talents de divers horizons grâce à son Académie, qui fête ses 20 ans.

- "Pression permanente" -

Une stratégie reconnue: "Aix est l'une des meilleures expériences d'immersion dans l'opéra au monde et l'une des plus progressives", assurait le New York Times en 2014 à propos du festival qui attire 20% de spectateurs étrangers.

Mais l'opéra est un art qui coûte cher malgré les subventions, rappelle M. Foccroulle, soulignant "la pression financière permanente", avec un budget de 23 M EUR, le tiers de celui de Salzbourg.

Aix a triplé la contribution du mécénat et accorde par ailleurs de l'importance aux jeunes et aux "primo-spectateurs" (sur 85.000 spectateurs, près de 30.000 viennent gratuitement). "C'est important que ça ne soit pas juste les fortunés qui viennent", assure M. Foccroulle.

L'autre enjeu pour lui est que le festival conserve son audace, tout en étant vigilant à ne pas franchir certaines "lignes rouges".

En 2016, quelques mois après les attentats à Paris, le directeur était ainsi intervenu pour la première fois dans une production en demandant de modifier deux scènes, dont un simulacre d'exécution, dans une version de "L'enlèvement au sérail" de Mozart où l'Autrichien Martin Kusej faisait allusion au groupe Etat islamique (EI).

"Il y a la liberté de création mais il y a des créations qui peuvent susciter des incompréhensions", estime Bernard Foccroulle.

À lire aussi

Sélectionné pour vous