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Le gwoka, identité culturelle de la Guadeloupe, sous les projecteurs

Il a fait frissonner la Guadeloupe lors de ses apparitions: Fanswa Ladrezeau a mis sous les projecteurs de The Voice, le télécrochet musical de TF1, les rythmes du gwoka, cette musique issue de l'esclavage et symbole de l'identité culturelle de l'île antillaise.

Le gwoka, à la fois instrument, chant et danse typiquement guadeloupéen est "un héritage, un socle, un vecteur de dialogue", explique à l'AFP Fanswa Ladrezeau, critiqué par certains dans sa "démarche", qui est de "mettre la Guadeloupe devant la face du monde".

Modèle pour beaucoup, celui qui s'est présenté sur le plateau de TF1 "en chair et en locks", a finalement été éliminé samedi de l'émission.

Issu du groupe Akiyo, à la fois groupe de musique et mouvement culturel historiquement indépendantiste, Fanswa Ladrezeau pratique le "kà", un tambour haut, rond, tendu de peau de chèvre, avec un talent incontesté. Le chanteur de 49 ans, à la longue barbe, se produit régulièrement dans les rues de Pointe-à-Pitre, et notamment au Memorial ACTe.

Dans le camp des indépendantistes, certains lui ont reproché sa participation à une émission française et de surcroît commerciale.

Cette participation n'était pourtant pas prévue, le chanteur étant simplement venu, au départ, accompagner une jeune fille candidate. C'est finalement lui qui a été repéré. "J'ai fini par accepter pour donner de la visibilité à la Guadeloupe", a confié Fanswa Ladrezeau.

Car le gwoka ou gros ka, en français, est indissociable de l'île, de sa population et de son histoire. Inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'Humanité en 2014, "il est une culture entière car nombre de traditions qu'elles soient culinaires, vestimentaires, historiques, populaires, sont liées à lui", indique Patrick Solvet, membre de l'association Rèpriz. Ce centre culturel des musiques et danses traditionnelles et populaires est à l'initiative de la démarche d'inscription à l'Unesco et du festival annuel de gwoka qui se tient dans la commune de Sainte-Anne depuis plus de 30 ans.

- Quasi mystique -

En Guadeloupe, une estimation faite à partir du nombre de personnes qui fréquentent les écoles de musique, donne 30.000 à 40.000 pratiquants au total.

"C'est plus de 10 % de la population guadeloupéenne, et cela exclut la voie de transmission informelle qu'est la famille", souligne Patrick Solvet.

À l'origine du gwoka: la traite négrière, l'esclavage et le contournement de l'interdiction de communiquer grâce à des rythmes, tirés des musiques des pays d'origine des Africains déportés. "Le gwoka porte les enjeux d'un territoire", rappelle Patrick Solvet.

En Guadeloupe, la discipline se revêt d'une dimension quasi mystique. "Un appel", selon le rappeur Soprano, jury de l'émission, le premier à s'être retourné lors de la prestation du maître ka (pour signifier son intérêt, ndlr).

Julien Clerc, autre jury de l'émission et dont le grand-père était Guadeloupéen, avait lui aussi salué sa première prestation. "On entend dans votre prestation le legs qu'a fait l'Afrique aux Antilles françaises. C'est beau, je crois, pour la France d'avoir aujourd’hui entendu cette musique-là qui vient des esclaves."

"C'est une musique à part entière. Le gwoka est langage(s), rythmes, spiritualité... Sa force est à la fois militante, thérapeutique, immersive et sans cesse régénérante", confirme Fanswa Ladrezeau.

Et bien que certaines opinions fustigent un mélange des genres, le chanteur l'assure : "De nombreux Guadeloupéens et Guadeloupéennes voient leur musique, ici, visible, et me partagent leur joie".

Sur les réseaux sociaux, la population a laissé éclater sa fierté, à l'heure où la suppression programmée de la chaîne des Outre-mer France Ô attise la crainte de voir s'effacer l'un des rares vecteurs de la représentation des ultramarins à la télé.

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