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Le street art fait carrière en Bourgogne

Loin de leurs habituels terrains de jeu urbains, ils viennent au coeur de la Bourgogne peindre de gigantesques murs de calcaire: le village de Villars-Fontaine, en Côte-d'Or, ouvre chaque année depuis 2016 les parois d'une ancienne carrière à quelques street-artistes triés sur le volet.

"C'est vraiment un endroit fou, qui dégage beaucoup d'énergie", lance le Mexicain Said Dokins. Perché sur une nacelle, à flanc d'une falaise d'une quinzaine de mètres, il dessine en bleu des cercles concentriques, abrité du soleil par deux parasols jaunes et un chapeau chinois.

Auteur d'immenses compositions de calligraphie circulaire qui ornent les murs de Mexico, Londres ou encore Bordeaux, l'artiste se prépare à tracer sur la pierre de Bourgogne une collection de mots déposés par des visiteurs ou des bénévoles.

Héritage des années passées, une dizaine de fresques monumentales sont déjà en place. Ici, l'image d'une femme tenant au creux de la main une grappe de raisin, évocation du terroir bourguignon. Là, une structure géométrique en trompe l'oeil donne l'impression de pouvoir entrer dans la roche.

"C'est un lieu intéressant, un peu magique", décrit son fondateur, Pierre Lignier. Ce fils de viticulteurs âgé de 79 ans l'a découvert en retrouvant à la retraite sa région natale. Abandonné depuis les années 2000, "c'était devenu une décharge publique".

Cet ancien directeur d'écoles d'art, élu maire en 2008, a tout de suite pensé au street art. Grâce à des aides de la région, de l'Etat et de l'Europe, la commune de 138 habitants a racheté le lieu à son propriétaire privé. Nettoyé, renommé "la Karrière", il est géré par l'association locale Vill'art.

L'endroit "est devenu très convoité par les artistes" se félicite l'élu, devenu directeur artistique: "Cette année, 75 ont déposé un dossier pour faire une oeuvre", dont 25 en provenance de l'étranger. Seuls trois ont été retenus.

A quelques mètres de son collègue mexicain, l'artiste portugais Nuno Alecrim, plus habitué aux façades d'immeubles qu'aux parois naturelles, travaille sur son propre pan de mur, qui se recouvre de mystérieuses formes anguleuses.

- L'ancien et l'éphémère -

Un "langage fait de symboles" inspirés de la Bourgogne environnante, explique le Lisboète qui se réjouit d'être "au milieu de la nature". "C'est un très bel endroit pour installer une oeuvre d'art".

A l'autre bout de la carrière, le Toulousain Loïc Mondé réalise une "calligraphie mélangée à du graffiti", en utilisant peu de couleurs "pour garder les teintes de la carrière", faite de pierre marbrière vieille de 165 millions d'années.

"C'est intéressant de mettre en confrontation un graffiti, qui est éphémère, et quelque chose qui est là depuis des années", relève-t-il.

Les nacelles montent et descendent au rythme des gestes des peintres, sous le regard des visiteurs venus assister au festival "Street art on the roc", dont c'est la troisième édition (du 19 au 26 août). A côté, des sculpteurs travaillent le plâtre, la pierre ou le métal.

Guy Girard, 86 ans, vient en voisin "jeter un coup d'oeil pour voir où ils en sont". Cet habitant de la commune de Nuits-Saint-Georges, toute proche, reconnaît avoir été un peu dubitatif au début du projet. Mais "on a vite compris que ça pouvait ressembler à quelque chose".

Un peu plus loin Julie Gouges, une Parisienne de 32 ans, est conquise par les fresques "qu'on ne s'attend pas à voir au milieu de nulle part, à côté des vignes!".

Puis le soir, lorsque l'air se fait plus frais, concerts, théâtre ou cinéma en plein air attirent des centaines de personnes. Le succès est au rendez-vous: de 5.000 visiteurs en 2016, "on en attend au moins 18.000 cette année", se félicite Pierre Lignier.

Mais que se passera-t-il lorsque toute la carrière sera peinte? "Les oeuvres vont rester au moins cinq-six ans et, de temps en temps, on renouvellera", prévoit le maître des lieux. Mais "il y a encore de la place", rassure-t-il.

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