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Les César jouent la carte grand public

Souvent taxés d'élitisme et d'entre soi, les César tentent une réconciliation avec le grand public en créant un prix récompensant le film ayant fait le plus d'entrées. Une nouveauté favorable aux comédies, jusqu'ici peu à la fête lors de la célébration annuelle du cinéma français.

"Dany Boon avait lancé la réflexion il y a quelques années en proposant un César de la comédie ou du public. Il a beaucoup contribué à défendre l’idée. C'est fait", a indiqué à l'AFP Alain Terzian, président de l'Académie des Arts et techniques du cinéma, mercredi en marge de l'annonce des nominations.

Ce César récompensera le film ayant connu le plus grand succès en salle de janvier 2017 à fin février 2018, juste avant la 43e cérémonie des César prévue le 2 mars à Paris. Il doit permettre de réparer ce que beaucoup considèrent comme une injustice vis-à-vis du cinéma populaire, rarement sacré.

Le sentiment de divorce entre le grand public et les César n'est pas nouveau: Louis de Funès n'a jamais été récompensé pour un film (mais a reçu un César d'honneur en 1980) et quand Coluche fut sacré meilleur acteur en 1984, ce fut pour le drame de Claude Berri "Tchao Pantin". Il avait déclaré en recevant son prix: "le cinéma français vit surtout avec les succès populaires, mais récompense les films qui font pleurer".

En 2009, l'écart se creuse encore un peu plus avec le succès de "Bienvenue chez les Ch'tis", le film français le plus vu dans l'hexagone avec 20,5 millions d'entrées. Nommé uniquement dans la catégorie scénario, il repart bredouille.

C'est avec humour que le réalisateur et acteur Dany Boon, dépité, réagit en se rendant à la cérémonie en veste de smoking et pantalon de jogging orange, car aux César, "les comiques (restent) tout le temps assis".

Rebelote en 2012 avec "Intouchables" d'Olivier Nakache et Eric Toledano: le film aux 19,5 millions de spectateurs reçoit 10 nominations mais remporte un seul César, celui du meilleur acteur pour Omar Sy.

- Dany Boon favori -

Le duo est cette année de retour avec 10 nominations pour "Le sens de la fête", moins toutefois que "120 battements par minute" et "Au revoir là-haut", archi-favoris avec 13 nominations chacun.

"De Dany Boon à Luc Besson, des artistes ne sont pas suffisamment reconnus par les prix, c’est injuste", estime M. Terzian.

C'est logiquement Dany Boon qui devrait remporter début mars ce "prix du public", avec "Raid dingue", comédie sur le monde de la police (4,6 millions de spectateurs au 31 décembre 2017), qui devance au box-office "Valérian", le film de science-fiction de Luc Besson adapté d'une bande dessinée (4 millions).

"C'est une bonne nouvelle, car le cinéma français est très dans l'entre-soi et récompense les films sérieux tandis que la comédie est le parent pauvre", estime Régis Dubois, historien du cinéma. Une partition entre films d'auteur et populaires liée à "une vision aristocratique" du cinéma.

Elle remonte, selon lui, à "la politique des auteurs" défendue par des critiques et futurs réalisateurs de la Nouvelle vague comme François Truffaut dans les années 50 et donnant au réalisateur le statut d'auteur avant tout, quitte à moins considérer les autres professionnels impliqués dans la création d'un film.

Cette volonté affichée par les César n'est pas du goût de tous. "On ne peut pas réduire un prix du public au nombre d'entrées en salles. Ce n'est pas parce que la fréquentation a été maximale que c'est le film que les spectateurs ont préféré dans l'année", souligne Emmanuel Ethis, sociologue du cinéma.

Une solution plus appropriée serait, à ses yeux, de constituer un panel de spectateurs à qui on demanderait de déterminer leur film préféré de l'année, sur le modèle de ce qui se fait dans les festivals de cinéma. "C'est la garantie de vraies découvertes et de partage", estime le sociologue.

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