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Les hommes grimaçants et la dérision de Thomas Schütte à la Monnaie de Paris

Le sculpteur rhénan Thomas Schütte, qui est aussi peintre et architecte de renom en Allemagne, tient sa première rétrospective en France à la Monnaie de Paris: il y tourne en dérision grinçante la puissance virile.

Cet artiste, qui a commencé sa carrière au début des années 80 et vit et travaille entre Düsseldorf et Neuss, est exposé dans les élégantes cours XVIIIème de la Monnaie de Paris, avant une grande exposition prévue au MOMA à New York en 2021. Avec six oeuvres nouvelles (sur 60 exposées) tout spécialement réalisées pour l'exposition.

"L'homme sans visage", sculpture herculéenne en bronze de 2018, résume bien le message énigmatique et moqueur de l'artiste: le géant a son visage coupé droit, et il ne reste à la place qu'un ovale lisse. Le visage, il le tient discrètement caché dans une de ses paumes ouvertes, par derrière.

Une de ses grandes séries, en différentes tailles et matériaux, de différentes couleurs --rose, violet, jaune..., sont les "united enemies", où deux figures d'hommes, comme attachés entre eux, sont déformées par la laideur de leurs expressions envieuses ou cupides.

L'artiste, ancien élève de Richter, dont des oeuvres sont au Centre Pompidou, à la collection Pinault et à la fondation Vuitton, est cependant plus connu hors de France, exposé au MOMA, à la Tate Modern ou à la Flick Collection. Même s'il s'est imposé au jardin des Tuileries lors de la dernière Foire internationale d'art contemporain (FIAC) à l'automne.

"Le masculin arrogant est tout ce qu'il déteste. Schütte est dur, autocritique, y compris avec lui-même", note Camille Morineau, directrice des expositions et des collections de la Monnaie de Paris, qui observe qu'il est différent, moins dur, quand il sculpte plus rarement des femmes.

-"Ne rien prendre au sérieux"-

Ses hommes en bronze très virils, aux visages grimaçants et grotesques, ont les pieds "pris dans la glaise. Ils ne peuvent pas s'extraire", confie l'artiste à l'AFP. "Ils ne sont pas bien à l'aise avec leur pouvoir masculin, pas bien dans leur peau", ajoute la directrice des collections.

Thomas Schütte sait tout faire - la sculpture mais aussi des photos, installations, maquettes d'architecture. Il commence par tout réaliser dans des dimensions minuscules, dans différentes matières comme la pâte à modeler, formes qu'il recopie dans différentes dimensions, parfois gigantesques.

"Comme chez les plus grands tel Léonard de Vinci, tout est dans sa tête depuis le début" de sa vie d'artiste, relève Mme Morineau.

Il est un architecte très créatif avec l'ambition de créer des maisons qui s'intègrent dans la nature, comme le documente l'exposition. A partir d'une chips posée sur une boîte d'allumettes, il va réaliser une maquette.

Ainsi il a créé à Roanne "One man house two" pour les collectionneurs Anne-Marie et Marc Robelin, et réalisé près de Düsseldorf sa propre "Skulpturenhalle". Cette année un pavillon est érigé à Krefeld pour le centenaire du Bauhaus.

De grande taille comme ses hommes debout, coiffé d'un bonnet de laine dans le froid, l'artiste n'aime guère le "stress" de Paris et est pressé de regagner en voiture "la paix" de Düsseldorf.

Faire ces statues "est bien plus facile que de réaliser un beau visage", dit-il avec modestie, et "quand ça ne me fait plus plaisir, j'arrête".

Il jette un regard désabusé sur l'époque: "la discussion publique est très angoissante. Il y a beaucoup d'idiots sur terre, au pouvoir! Les gentlemen's agreements, c'est fini. Chacun partout se croit libre de faire n'importe quoi. Depuis que les Iphones existent, on ne comprend plus l'autre".

"J'ai besoin de beaucoup de tranquillité. Il y a beaucoup de bruit, de non-sens. C'est pourquoi il faut voir tout avec humour, ne rien prendre au sérieux", conclut-il.

--Thomas Schütte, Trois actes, du 15 mars au 16 juin--

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