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Les passionnés de musique arabe classique ont leur rendez-vous à Amman

Un groupe de musiciens jordaniens, tous nostalgiques d'une époque où la musique arabe s'écoutait religieusement derrière son transistor, redonne vie chaque semaine à Amman au riche patrimoine musical du Moyen-Orient gravé dans les mémoires de plusieurs générations.

"Qu'est ce que je peux t'offrir pour la fête mon ange...", lance le chanteur Bechara Rabadi, 62 ans, déclenchant dans la seconde les applaudissements du public ayant reconnu l'oeuvre de l'un des plus grands chanteurs irakiens, Nazem al-Ghazali.

"Qu'est ce que je peux t'offrir pour la fête mon ange alors que tu as tout", fredonne une partie de l'audience. Comme si les paroles étaient là, enfouies dans leur mémoire, dans l'attente d'être réanimées.

Le groupe Beit Al-Rowad (la maison des pionniers) est né en 2008 et il ressemble peu ou prou à l'orchestre qui accompagnait la légende irakienne Ghazali. Des hommes d'un âge mur, habillés d'un costume sombre, certains flanqués d'une paire de lunettes noires, jouant d'un large éventail d'instruments: Oud (luth oriental), flûte, tambours, accordéon oriental...

Chaque mardi, ses membres donnent une représentation gratuite dans l'une des salles du centre culturel Al-Hussein, au coeur d'Amman.

"Notre but est de préserver la musique jordanienne et arabe et créer une ambiance festive pour soutenir les artistes de la vieille génération", explique le fondateur du groupe, Sakher Hattar, 54 ans.

En cette soirée de printemps, c'est une autre mélopée de l'Irakien Ghazali qui anime la salle: "Elle quitte la maison de son père pour rejoindre la maison des voisins". Les mains se lèvent, les poignets des femmes aussi, tandis qu'un vieil homme fait tournoyer une canne au-dessus de sa tête avant d'improviser quelques pas de danse.

"Je viens tous les mardis et ne rate pas un concert", confie Russaila Bayzidi, 75 ans, vêtue d'une élégante veste bleu électrique.

"J'aime les anciennes chansons qui me ramènent à une belle époque", poursuit-elle, radieuse.

Le public de Beit Al-Rowad, qui fête cette année ses 10 ans, est composé de toutes les franges de la société, avec des gens de tous les âges, et il y règne une ambiance familiale, se félicite M. Hattar, également à la tête de la section musique arabe et professeur de Oud au conservatoire national d'Amman.

- Contemporain d'étoiles arabes -

Le groupe est né d'un refus, aime à raconter M. Hattar. Celui de responsables du ministère de la Culture qui se sont opposés en 2008 à la participation d'un groupe d'artistes âgés à l'ouverture du festival de Jerash, connu pour attirer des artistes de tout le monde arabe.

"Ils ont refusé la proposition partant du principe qu'ils n'allaient pas être en mesure de réaliser la performance", poursuit M. Hattar.

"Ca m'a fait mal au coeur et de là est venue l'idée de lancer le groupe", composé de chanteurs, compositeurs et musiciens en grande majorité âgés de plus de 50 ans. Parmi eux figurent les chanteurs Mohamed Wahib (84 ans), Salwa al-Aas (74 ans) et Fouad Hajazi (70 ans).

"Beit Al-Rowad est une très belle idée qui a rassemblé des pionniers ayant beaucoup donné à l'art jordanien et arabe", affirme le chanteur Mohamed Wahib. "Je suis un passionné de musique depuis mon enfance", dit celui qui a commencé sa carrière de chanteur sur les ondes de Radio Ramallah en 1958.

Il dit aujourd'hui devoir beaucoup à l'aventure Beit Al-Rowad qui lui a donné l'envie de continuer.

"Les vieilles chansons sont différentes de celles d'aujourd'hui, et celui qui vient voir Beit Al-Rowad sent qu'il est transporté dans le passé", poursuit l'octogénaire, contemporain d'étoiles de la chanson arabe comme le chanteur et compositeur égyptien Mohamed Abdel Wahab, l'artiste syrien Farid al-Atrache et son inséparable Oud ou encore la diva égyptienne Oum Kalthoum.

Mais le groupe espère également toucher les nouvelles générations, confie le chanteur sexagénaire Osama Jabbour. "On cherche à créer un lien entre les anciennes et les nouvelles chansons."

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