Accueil Actu

Les phrases chocs de Boulez, de "Schoenberg est mort" à "il faut brûler les maisons d'opéra"

Le compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez, décédé mardi à 90 ans, a marqué son époque par ses engagements et ses formules tranchantes.

1952 - "Schoenberg est mort": un an après la mort effective de celui qui émancipa la musique de la tonalité, Boulez publie sous ce titre assassin un article dans la revue anglaise "The Score". Il se détache ainsi du père du dodécaphonisme. "Quand il dit Schoenberg est mort, ça veut dire +arrêtez d'accoler ma génération à ses découvertes et expérimentations, on est au delà+", expliquait en mars dernier Laurent Bayle, dauphin de Boulez et président de la Philharmonie de Paris, à l'occasion de l'exposition organisée pour le 90e anniversaire de Boulez.

1960 - Boulez signe la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, dite "Manifeste des 121". Les signataires sont immédiatement inculpés ou suspendus de leurs fonctions, subissent le boycott imposé à la radio, à la télévision et aux programmateurs de spectacles. Résidant en Allemagne, Boulez est empêché de passer la frontière.

1966 - "Pourquoi je dis non à Malraux" paraît dans Le Nouvel Observateur. Boulez réagit ainsi à la nomination de Marcel Landowski à la tête d'une Direction de la musique séparée au sein du ministère. Boulez prône un décloisonnement des arts entre peinture, théâtre et concert. "C'est à ce prix que l'on touchera un public jeune, renouvelé dans son aspect social comme dans ses aspirations esthétiques", écrit-il.

1967 - Il faut "faire sauter les maisons d'opéra", affirme Boulez dans un entretien retentissant publié dans le "Spiegel". A l'époque, il commence à travailler à une réforme de l'Opéra de Paris avec Maurice Béjart et Jean Vilar. "Quand il dit qu'il faut brûler les maisons d'opéra, cela ne signifie pas qu'il est opposé à l'opéra, sa vie entière dit le contraire (Boulez est notamment le chef d'une Tétralogie de légende avec Patrice Chéreau à Bayreuth entre 1976 et 1980), explique Laurent Bayle. "Il dit seulement qu'on a atteint dans l'opéra un degré d'amateurisme qui n'est plus acceptable, et que si on ne rénove pas complètement le système, notamment en organisant des répétitions, en inscrivant le metteur en scène au centre des enjeux, on tue l'opéra. Tout le monde reconnaît qu'avec quelques uns comme Chéreau et Visconti, il a contribué à faire renaître le goût pour l'opéra".

Qualifié de "Robespierre", voire de "Führer" lorsqu'il s'installe en Allemagne où on lui donne davantage de moyens, Boulez a été d'autant plus caricaturé qu'il expliquait rarement ses phrases. Il avouait par ailleurs "préférer une bonne polémique avec les épées et les sabres qu'une espèce de politesse de convenance".

Radical dans son engagement musical aussi bien qu'intellectuel, férocement attaché à son indépendance (il n'a jamais frayé avec le communisme ou les gauchismes), il détestait toute sentimentalité. Interrogé sur la mission sociale du créateur, il avait lancé "nous ne sommes pas des dames de bienfaisance". Mais il a donné à partir de 2004 trois semaines de son temps chaque été à de jeunes musiciens de l'académie du Festival de Lucerne.

À la une

Sélectionné pour vous