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Lucas Meachem, ou quand un air de karaoké mène à l'opéra

Pour l'Américain Lucas Meachem, tout s'est joué un soir de 2006 dans un bar à karaoké de Paris, où une interprétation mémorable d'un tube pop lui a permis d'impressionner des chanteurs lyriques et d'entrer, enfin, dans le monde de l'opéra.

A l'époque, le jeune homme n'était pas un novice, titulaire de deux diplômes universitaires en musique, dont un de la prestigieuse Eastman, à Rochester (New York), et d'une bourse de l'opéra de San Francisco.

Mais, à 27 ans, il cherchait toujours à percer et n'avait encore jamais chanté dans un opéra de premier plan.

Ce soir-là, il prend le micro et se lance dans "la fameuse aria +I Believe I Can Fly+", hymne pop du chanteur américain de R&B R. Kelly, au point d'impressionner le petit groupe de chanteurs lyriques avec lequel il se trouve dans ce restaurant parisien.

Deux mois plus tard, la mezzo-soprano Susan Graham, qui l'a entendu chanter du karaoké, mais pas plus, le propose pourtant au Lyric Opera de Chicago pour palier une défection.

C'est l'ouverture pour le baryton qui reprend, avec succès, le rôle d'Oreste dans "Iphigénie en Tauride" de Gluck.

- "Désolé, Michael Jackson" -

Pour Lucas, cet épisode atypique est l'aboutissement d'un parcours hors norme, qui a débuté dans la campagne de Caroline du Nord, par une enfance ordinaire, loin des raffinements de l'art lyrique.

Enfant, il développe une passion pour le chant, qu'il assouvit en reprenant des succès entendus à la radio, de Michael Jackson à Aerosmith.

Un Noël, sa mère lui offre une cassette des Trois ténors, le fameux trio composé des chanteurs José Carreras, Placido Domingo et Luciano Pavarotti, qui a transcendé les frontières de la musique classique pour devenir un immense succès populaire et planétaire.

"Pour moi, c'était quasiment divin d'entendre que ces gens pouvaient faire ces sons avec une voix non amplifiée", a-t-il expliqué à l'AFP dans un bar de l'Upper West Side où il a fait la démonstration de ses talents au karaoké.

"Tout d'un coup, il y avait cette manière de chanter que je n'arrivais pas à copier", ajoute le baryton, âgé de 39 ans. "Entendre, ça a changé ma vie."

"Désolé, Steven Tyler (le chanteur d'Aerosmith), Whitney Houston et Michael Jackson, qu'il repose en paix, mais vous ne pouviez pas vous aligner, parce que je savais déjà faire ça", s'amuse-t-il.

- Transmettre aux jeunes chanteurs -

Il ne coupera pas pour autant tout lien avec la pop moderne, et admet aujourd'hui que le karaoké l'a accompagné jusqu'à l'université, où il a pu améliorer son quotidien en gagnant des prix.

Aujourd'hui encore, il reconnaît que sa carrière, désormais établie, dans l'univers lyrique, ne lui vaut qu'un crédit limité chez ses amis d'enfance, en Caroline du Nord.

Ses performances au Metropolitan Opera, au Staatsoper de Vienne ou au Royal Opera House de Londres ne les impressionnent pas autant que son passage sur la glace du Madison Square Garden pour interpréter l'hymne national avant un match de hockey des New York Rangers.

"Le match des Rangers, ça, c'est autre chose!", sourit ce trentenaire très avenant, au visage carré et au regard bleu perçant.

Demandé en Europe et aux Etats-Unis, reconnu pour la fiabilité de son chant et ses talents d'acteur, Lucas a même reçu, en 2017, un Grammy Award avec l'opéra de Los Angeles pour l'enregistrement de "The Ghosts of Versailles" de John Corigliano.

Il souhaite également mettre son expérience au service de jeunes chanteurs, notamment par le biais de son blog, The Baritone Blog, où ses conseils portent sur le métier, mais pas seulement.

"Maintenant que je suis au sommet, je veux transmettre cette connaissance à la génération suivante", dit-il. "Je veux rendre un peu de ce que j'ai reçu sous une forme qui soit tangible pour eux."

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